4 mai 2014

MOOC : l'eldorado africain - la puissance du savoir pour TOUS !




Pendant ce temps, à Douala, Arel Kevin a trouvé un local. A la maison en étages et à antenne orange, au lieu-dit Entrée Eglise, près du snack-bar GES Force V. Il a d’abord sollicité son école, l’Institut supérieur de technologies avancée, où il fait un BTS d’informatique industrielle. « Mais vu les tracasseries procédurales, j’ai plutôt approché un ancien camarade de classe compatissant, dont les parents disposent d’une salle de réception en bordure de route. »

Là, tous les samedis de 12 à 16 heures, Arel Kevin Kamagaing, 24 ans, fils d’un chauffeur de transports interurbains à la retraite et d’une mère au foyer, réunit son groupe d’étude, « aussitôt surpris par l’adhésion massive de compatriotes ». Avec Boris, William, Donal, Annie, Yannick et les autres, il se penche, « une lueur de bonheur extraordinaire dans les yeux », sur le Mooc intitulé « Comprendre les microcontrôleurs » des professeurs Jean-Daniel Nicoud et Pierre-Yves Rochat de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), établissement leader de Moocs en français.
Mooc signifie Massive Open Online Courses, que les grandes écoles et universités francophones traduisent désormais par Flots, formations en ligne ouvertes à tous. Le cours en question leur est diffusé en classe, mais il est rapide (sept semaines) et exigeant (des tests entre chaque étape). Les étudiants de Douala qui ne comprennent pas tout se sont donc organisés pour travailler ensemble les points difficiles.

Aux Etats-Unis, le succès foudroyant des Moocs fait apparaître leurs premières limites. On se demande ce qu’il adviendra du modèle économique d’universités ultra-chères. On se demande si les cours en ligne ne sont pas en train de déshumaniser l’enseignement.

Quand les Moocs arrivent en France


Dans quelques semaines elle va décrocher sa licence en biologie et pourtant Rebecca Stone n'a jamais mis les pieds à la fac et jamais rencontré un seul professeur. Ses cours sont tous en ligne. Un forum lui sert de salle de classe et les devoirs se font sur internet. Mais que préfère-t-elle dans cette Université en ligne ? 'La souplesse, je voulais revenir dans une université traditionnelle mais mes heures de travail ne me permettent pas de suivre les cours dont j'ai besoin'. Voila comment Théodore Moran, professeur d'Université enseigne aujourd'hui: face à deux cameras. Dans son bureau il répond aux questions de ses élèves, sa classe compte 30.000 étudiants, qui suivent ses cours d'économie seulement sur Internet. 'J'étais assez sceptique au départ. Mais je pense que les possibilités ont été développées, on peut avoir des discussions, on peut avoir des questions'. Sa classe est un MOOC (Massive open online courses), des cours en ligne, gratuits et ouverts à tous, mais qui n'offrent pas des diplômes à la clé. Ses étudiants vivent dans 150 pays différents. Rosaelena O'Neal, responsable de formation de l'université de Georgetown : 'On a des nouveaux qui viennent d'arriver d'Ouzbékistan, de Chine, aussi du Kenya. Je ne pense pas qu'on va se passer de cette relation étudiant prof. Là il s'agit plus d'atteindre des gens qui normalement n'auraient pas pu l'être'. Les Universités ont encore beaucoup des détails à régler, comment organiser des examens en ligne, comment noter des élèves sans les voir. Pour l'instant ce sont des questions encore sans réponse.


A Lubumbashi, au Congo, personne ne songe au risque de déshumaniser l’enseignement. « Les Moocs ont du succès parce que les auditoires sont bondés, mal aérés et les sièges sont cassés. » Jessé Lubingu sait de quoi il parle. Il est diplômé en dessin architectural de l’Université indépendante d’Angola et en construction industrielle de l’Ecole supérieure des ingénieurs de Lubumbashi. Il a aussi une accréditation en écologie et environnement et une maîtrise en sciences du bâtiment. « Franchement, dit-il, les universités africaines ont de la peine avec les mises à jour. Au Congo, les cours datent de l’époque des colons belges. »

Si bien que ces jours, ou plutôt ces nuits afin de bénéficier d’une meilleure bande passante et de pouvoir gagner sa vie durant la journée, Jessé Lubingu se connecte chez lui, au 29 de la cité Mobutu, sur l’avenue Bakwansupi, au Mooc de l’EPFL intitulé « Ville africaine » du professeur Jérôme Chenal. Il est question de planification urbaine, de transports en commun, de gestion des déchets. Et l’on se dit qu’il était temps de mettre ce cours à disposition des Africains, à qui cela pourrait être utile, plutôt que de le confiner aux amphithéâtres européens.


UNE STAR DE THIÈS À NIAMEY


Sur son campus, l’EPFL offre 1 500 cours à 9 300 étudiants. En ligne, une trentaine de Moocs pour plus de 400 000 inscrits, mais seulement 13 073 Africains en 2013. Patrick Aebischer, son président, en veut 100 000. Pour cela, il vient de prendre six mois de congé sabbatique afin d’arpenter le continent et sceller des accords avec des universités africaines. « Les Français ont pris du retard, regrette-il. On ne cherche pas à leur ravir l’Afrique francophone. Au contraire. Ce serait formidable de monter ensemble une plate-forme avec 500 cours, pour offrir des curriculums complets. » L’ébauche de ce rêve est le portail Ocean-flots.org, qui propose 23 cours, la moitié de l’EPFL et le reste par l’Ecole polytechnique de Paris, l’ENS de la rue d’Ulm, l’ENS Lyon, l’université catholique de Louvain et HEC Montréal.

À Lausanne, les quelques passionnés d’Afrique qui, pendant des années, ont autofinancé leurs voyages, sont désormais portés par la stratégie africaine de l’EPFL. C’est le cas de Pierre-Yves Rochat, 56 ans. Son Mooc a tellement d’inscrits en Afrique, où il passe trois mois par an, qu’il est une star de Thiès à Niamey, de Pointe-Noire à Kinshasa, reconnu à sa chemise à fleurs avant même son entrée dans l’auditoire.

L’un de ses étudiants de Cotonou, Roméo Fassinou, a développé des afficheurs matriciels en forme de croix, pour les pharmacies. Son entreprise compte déjà dix employés et exporte dans les pays voisins. Un autre étudiant de M. Rochat, Cédric Lako, de Douala, a passé six mois à l’EPFL et donne des coups de main au groupe d’étude d’Arel Kevin. Il a développé une application qui permet de modifier les textes de la dernière génération de ces enseignes lumineuses à partir d’un smartphone.

Les Moocs donnent des ailes aux étudiants. Jessé Lubingu, de Lubumbashi : « Grâce aux Moocs, je comble mes lacunes à grande vitesse. L’étape suivante est un projet de construction à 600 000 dollars. » Arel Kevin définit ainsi ce que les membres de son groupe étaient avant de suivre le Mooc sur les microcontrôleurs : « De simples étudiants dépourvus d’ambitions concrètes, des fanatiques de premier ordre et des théoriciens endurcis. » Ils ont désormais décidé de lancer une petite société pour développer, « si le Ciel le veut bien », des commandes de portes à distance avec un module GSM, une alarme avec déclaration du degré d’infraction au propriétaire par téléphone mobile, des afficheurs matriciels, des feux de carrefour.
« Grâce au Mooc, dit-il, on peut tout automatiser ! » Et si le ciel ne le veut pas, il estime qu’ils trouveront un emploi aux Brasseries du Cameroun, à la CCC (société de savonnerie) ou chez Akwa, société chinoise de fabrication d’afficheurs matriciels, basée à Douala.

Source : lemonde.fr

3 mai 2014

MOOC : la chine à l'assaut !



L'information est passée à peu près inaperçue dans l'Hexagone : début avril, la Chine a fait une entrée en force dans le domaine des MOOCs, ces cours en ligne "massivement ouverts", qui ont été lancés aux Etats-Unis.

C'est la prestigieuse université Jiao-Tong de Shanghai - celle-là même qui a créé le fameux classement mondial des universités - qui a pris cette initiative. Elle vient en effet de fédérer 19 institutions chinoises d'enseignement supérieur - parmi lesquelles Normal University et DongHua University - pour permettre aux étudiants de suivre des cours en ligne et d'obtenir ainsi des crédits. Sa plate-forme (cnmooc.org) commence à proposer des vidéos, des questionnaires et des forums de discussion réunissant étudiants et professeurs. Un premier ensemble d'une dizaine de cours traitera notamment d'histoire de l'art, de mathématiques, de médecine chinoise traditionnelle... et même des préceptes de Sun Tzu appliqués au management. Des enseignants choisis parmi les principales pointures d'établissements de renom comme comme l'université de Pékin ou l'université de sciences et technologie de Hong Kong (HKUST) seront mobilisés. Certains cours seront également des reprises d'enseignements proposés par "diverses universités de premier plan à travers le monde". Jiao-Tong a en outre signé un accord avec Baidu, le principal moteur de recherche du pays, afin de faciliter la consultation de vidéos en streaming sur le site.

"Ce lancement constitue une étape décisive pour le développement de la formation en ligne en Chine", souligne Huang Zhen, le vice-président de Jiao-Tong, qui y voit aussi "une opportunité pour réformer les méthodes traditionnelles d'enseignement et favoriser l'essor d'un modèle de formation plus interactif et plus participatif". Parmi les objectifs annoncés figure également celui de permettre aux étudiants des 19 établissements partenaires de suivre une seconde filière en ligne, en sus de celle qu'ils suivent en "présentiel".

La nouvelle plateforme vise aussi à attirer des étudiants étrangers. A cet effet, plusieurs des cours comporteront des sous-titres en anglais.

Bouleversement annoncé au plan mondial

A ceux qui en douteraient encore, cette arrivée des universités chinoises confirme que les MOOCs constituent un enjeu majeur pour les institutions d'enseignement supérieur du monde entier - et pour leurs autorités de tutelle, à commencer par les pouvoirs publics.

Certes, de très nombreuses questions se posent encore concernant le "business model" des MOOCs, la rentabilité des dispositifs, les diplômes, l'accès aux enseignants, la protection intellectuelle ou la rémunération des enseignants... Et l'on peut comprendre les hésitations de certains acteurs. Il n'en demeure pas moins que les MOOCs permettent d'envisager une vaste redistribution des cartes à l'échelle planétaire en matière d'enseignement supérieur. Et qu'ils constituent un fantastique outil de promotion pour les marques d'institutions comme pour leurs méthodes pédagogiques, en même temps qu'un précieux moyen de diffusion de la culture. Bref, un instrument de rayonnement et d'influence. Dans cette optique, les actuelles expériences menées ici et là dans l'Hexagone, pour louables qu'elle soient, ne paraissent pas à la hauteur de l'enjeu. L'éducation supérieure ne peut passer à côté de la révolution numérique en cours. Il faut changer de braquet. Vite.

Source : lemonde.fr