10 décembre 2012

Refondation de l'école : dans quel but ?




Un article, dans le Nouvel Obs de cette semaine, signé Abdelmajid Arbouche (Doctorant à Paris IV Sorbonne) fait une analyse inquiétante sur l’école, qui fait écho aux inquiétudes et coups de gueule de Pierre Frakowiak ici sur Educavox (1)... Il me semble qu’il se dit actuellement des choses dangereuses, qu’il ne faut pas laisser passer. Pierre trouve que la base ne réagit pas assez et ne sait pas se faire entendre... Alors, voici une petite pierre pour bousculer l’inertie..

Le propos d’Arbouche est résumé dans la conclusion de son article : Si l’on veut promouvoir une école de qualité et de réussite, il faut par-dessus tout éviter d’en faire un instrument de lutte contre l’inégalité sociale.

Et à quoi d’autre pourrait-elle servir, je vous le demande ?
Et que peut signifier le titre de cet article "Rescolariser l’école" ? Ou cette formule bizarre : "placer l’école au centre de l’école" ?
Personnellement, je sens dans cette dernière formule comme des relents écœurants du fameux "placer les savoirs au centre de l’école" de sinistre mémoire. Ce sont des propos comme ceux-là qui vont faire capoter les espoirs de refondation : même si ce n’est sans doute pas le sens que lui donne l’auteur, re-scolariser l’école, cela sera compris comme ré-enfourcher les dadas Brighelli, et autres Marc Le Bris. Et que font les programmes 2008 sinon précisément scolariser à plein l’école (cf. "la récré est finie" des propos ministériels dès 1985), au sens le plus péjoratif de terme "scolariser".

En fait,il est facile de repérer où ce raisonnement se retourne contre son auteur, dont je ne pense pas qu’il souscrive sincèrement à cela. Quand il affirme : "Est-ce le rôle de l’école que de lutter contre les inégalités sociales ?", il présente une interprétation parfaitement fausse des relations entre l’école et ces inégalités.

L’école n’a évidemment pas à lutter contre les inégalités sociales : comment le pourrait-elle ? Et il n’a jamais été question que ce soit là son objectif. En revanche, elle a à lutter contre les inégalités de réussite scolaire liées aux inégalités sociales, ce qui est notablement différent. Une école, qui a besoin que la famille des enfants soit socialement et intellectuellement aisée pour que ceux-ci réussissent, est une école conçue pour que la société surtout ne change pas.
Or, c’est justement, parce que la société est bâtie sur des inégalités sociales, que l’école doit exister : il y a des enfants qui n’ont que l’école pour s’en sortir, et c’est pour eux qu’elle est là. Il faut bien comprendre qu’en toute logique, aucune raison ne peut justifier qu’un enfant qui vit dans un milieux socialement défavorisé ait plus de difficultés scolaires qu’un autre. Voir dans ce lien une évidence est pure aliénation.

Certes, l’école, pour mille raisons, se doit de travailler avec les parents, mais cela ne veut surtout pas dire qu’elle a besoin d’eux pour faire son travail. Et les collègues qui se plaignent de ce que tous les parents ne peuvent pas aider leurs enfants dans leurs devoirs du soir ont une cécité de logique bien désolante. Que dirait-on d’un peintre en bâtiment qui se plaindrait de ce que les clients ne sont pas tous capables de passer la seconde couche, indispensable à la solidité du travail ?

Que des parents qui le peuvent puissent aider leurs enfants dans leur travail scolaire, c’est évidemment un plus, mais tellement injuste, qu’il doit être mis à la disposition de tous les autres et qu’il est hors de question que l’école puisse s’en servir autrement qu’à mettre en place des moyens permettant à TOUS LES ENFANTS DE LA CLASSE de bénéficier des apports culturels de certains parents.

Déjà, par son pouvoir de mélanger les classes sociales (pouvoir assez mis à mal par les mentalités actuelles et qu’il faut donc absolument protéger politiquement), l’école peut minorer considérablement les effets pervers des différences sociales.

Mais, son vrai rôle va beaucoup plus loin : c’est que l’enseignant sache prendre en compte les savoirs-déjà-là des enfants — ils en ont tous. Or, pour la majorité d’entre eux, ils les ignorent ; quand, par hasard, ils les connaissent, ils les méprisent un peu et leur but est plutôt de les faire oublier pour mettre à leur place les tables de multiplication, la conjugaison du passé simple et la liste des Capétiens directs.
Ce n’est pas "à la place", c’est "avec", et dans une relation de mutuel enrichissement ; je dis bien "mutuel" car, sans les savoirs de la vie, ceux de l’école sont abstraits et vides de sens. Pour tous ceux dont les savoirs sont sans rapport apparent avec ceux de l’école, le métier d’enseignant consiste donc, en prenant appui sur eux et en les valorisant, de rendre possible une évolution enrichissante pour tous, vers ceux des programmes.

C’est cela que les enseignants doivent apprendre à faire : ce n’est ni évident, ni facile. Les savoirs à maîtriser officiellement ne sont pas les seuls à maîtriser et la bonne école de F. Dubet que cite l’auteur a pour tâche au contraire de faire en sorte que les élèves puissent, en ajoutant les savoirs scolaires à ceux de leur expérience quotidienne, si éloignés que soient ceux-ci de ceux-là, se construire une culture personnelle facteur d’intégration sociale et de liberté.
Si la formation n’intègre pas cette caractéristique essentielle au métier, si elle continue de s’empêtrer dans des considérations de niveau de recrutement sans poser la question des contenus, il y a de quoi s’inquiéter comme Pierre :

J’observe que dans le clair-obscur des débats, personne (même parmi mes grands amis concernés) ne parle de l’adéquation des pratiques pédagogiques de la formation elle-même – mais, c’est comme pour l’école, pourquoi changerait-on quelque chose qui ne marche pas ? – avec les pratiques de l’école du futur. Personne ne parle de l’articulation pratique / théorie que l’on ne sait pas exploiter sérieusement. On juxtapose toujours stage dans une classe avec un prof et cours théorique essentiellement disciplinaire alors que l’on doit former au travail d’équipe et à l’analyse des pratiques. La pédagogie de résolution de problèmes appliquée aussi bien à la formation des maîtres qu’à la pratique pédagogique en classe, qui pourrait être une solution, avec une réforme des contenus (sociologie, philosophie, histoire de l’éducation et des disciplines, anthropologie…) est très éloignée des porteurs d’une culture exclusivement disciplinaire..

Pourquoi vouloir former au travail d’équipe et à l’analyse des pratiques pédagogiques, sinon pour que l’école soit plus efficace ? Et que peut signifier "être efficace" pour l’école, sinon "être capable d’éviter les inégalités de réussite scolaire qu’engendrent les inégalités sociales" ? Apparemment, cela ne paraît déjà pas évident à tous, mais si, comme le demande l’article cité, on commence par séparer la question scolaire de la question sociale, alors, là, c’est à toute allure que la refondation va fondre... Pire que la banquise ! Et ça n’aura rien à voir avec le réchauffement climatique.
Source : éducavox.

29 novembre 2012

Refondation : La farce pour dindons a un goût rance




Dindons: La refondation de l'école est-elle une farce ?
Leur hantise: que la refondation de l'école tourne à la farce et que ce soit une nouvelle occasion manquée. Leur nom: le collectif des dindons.
Leur but: dire au ministre Vincent Peillon que les enseignants ont des idées pour changer l'école. Et que la refondation ne peut se faire sans eux.

Le mouvement des dindons s'est fait connaître en lançant une pétition sur internet début novembre. Elle compte déjà à ce jour 4 548 signataires - tous des professeurs des écoles.

"Monsieur le Ministre, vous avez l'ambition de refonder l'Ecole, c'est une noble idée, pleine de promesses", commence  le texte, "cependant, au fils des jours, nous nous rendons à l'évidence: les principaux concernés, les élèves, leurs parents et les enseignants ne sont pas pris en considération".

Plus précisément, le collectif reproche au ministre de ne pas prendre les choses dans l'ordre et de commencer par la réforme des rythmes scolaires comme si c'était la clé de tout - Vincent Peillon a annoncé le retour à la semaine de quatre jours et demi dès la rentrée 2013.
"La refondation de l'Ecole primaire ne peut se résumer à une réorganisation des rythmes scolaires, surtout si ces nouveaux rythmes n'allègent en rien la semaine scolaire des élèves !", avertissent les dindons.

Ils font allusion à la proposition, actuellement en discussion, d'instaurer trois heures de classe le mercredi matin et de ramener la journée scolaire de six heures à cinq heures. Mais comme les enfants resteraient tout de même à l'école jusqu'à 16 heures 30, on rajouterait dans la foulée une demie heure d'aide aux devoirs assurée par les enseignants, la demie heure suivante d'activités diverses étant confiée aux communes.

"Les enseignants seront-ils les seuls à porter cette refondation ?, s'insurgent les dindons, ils verront leur semaine de travail alourdie, leur pouvoir d'achat diminué, tout en sachant que cela ne résoudra pas les difficultés. C'est inacceptable."

Le collectif demande "l'abandon immédiat" de cette mesure. Et fixe ce que devraient être, selon lui, les  priorités de la refondation:

- l'allègement des programmes scolaires,
- la baisse des effectifs par classe,
- la remise en place des RASED (les réseaux d'aide aux élèves en difficultés largement démantelés ces dernières années)
- une meilleure prise en charge des élèves handicapés avec la pérennisation des Auxiliaires de Vie Scolaire (AVS, des emplois précaires) et l'ouvertures de classes spécialisées.

Ils demandent aussi une revalorisation du statut de Professeur des Ecoles, des journées de décharge pour les directeurs d'école (dans les établissements comptant moins de quatre classes, ils n'en ont aucune) et des postes pour les aider (les Emplois de Vie Scolaire dits EVS, des précaires aussi).

Pour en savoir plus, nous avons contacté Dindon 35 par téléphone. Dindon 35 souhaite rester anonyme non par parano mais parce que le mouvement des gallinacés ne veut pas de portevoix. C'est une professeure des écoles travaillant en zone rurale, en Ile-et-Vilaine.

Comment est né le mouvement ? "Nous étions quelques enseignants de primaire à nous croiser sur des forums, explique Dindon 35, on trouvait tous que dans la refondation, on n'avait pas vraiment droit à la  parole. On a alors décidé de se fédérer pour faire comprendre au ministre qu'on est là et qu'il doit écouter les retours du terrain. Nous n'avons pas envie qu'encore une fois, les changements se fassent sans nous".

Le nom de dindons ? "C'est venu tout seul, comme une évidence. Mais attention: nous ne sommes pas contre les changements. Simplement, il ne faut pas se précipiter comme le fait le ministre sur les rythmes scolaires alors que les collectivités ne sont pas prêtes, que les parents eux-mêmes doivent s'organiser. Sur cette question, il faut un travail de fond".

La concertation menée cet été n'aurait donc servi à rien ? "Elle a été très inégale selon les départements, regrette Dindon 35, tout le monde n'était pas toujours invité".

Et les syndicats dans tout ça ? "On ne veut pas du tout prendre leur place, poursuit notre gallinacé d'Ile-et-Vilaine, ils font leur boulot en négociant avec le ministère, on est plutôt là pour les seconder. Et la base doit se faire entendre".

A la fin, Dindon 35 s'est excusé auprès d'autres dindons dont ils ont pris le nom, nés dans le sillage du mouvement des pigeons. Ces gallinacés-là - we are not #dindons -, des personnels de maison, avaient lancé une pétition à la mi octobre contre le projet du gouvernement de taxer les emplois à domicile. Depuis le projet a été abandonné.

Nos dindons de la refondation rêvent d'un tel succès. Et glougloutent en attendant.

Précision (le 13/11/2012, à 23.30): au delà des professeurs des écoles, les dindons de l'éducation me demandent de préciser que la pétition est ouverte à toute personne se sentant concernée - parents d'élèves, retraités, etc...

Source : libération.fr

28 novembre 2012

E-Learning : les intérêts d'une éducation ininterrompue



Encore méconnu il y a quelques années, l’e-learning est en train de s’imposer comme un moyen de formation crédible auprès des français et des entreprises. En effet, aujourd’hui près d’un million de français suivent une formation à distance.

A qui l’e-learning est-il destiné ?
Tout le monde, l’e-learning est présent dès la maternelle jusqu’à la formation continue.
Si l’enseignement primaire et secondaire représente presque la moitié des inscrits en formation à distance (BAC, Brevet), nombreuses sont les formations professionnelles.
Parmi les formations professionnelles à distance, on distingue la formation initiale et la formation continue. La formation continue est en plein essor car elle permet aux entreprises de réduire les couts de formation tout en formant un plus grand nombre d’employés.

Les différents organismes du e-learning en France
L’organisme français le plus ancien est le CNED. Crée en 1939, il est financé par l’Etat et comptabilise 202 000 inscrits en 2011. La Fédération Interuniversitaire de l’Enseignement à Distance (FIED) et le CNAM également reliés à l’Etat, représentent respectivement 30 000 et 13 000 inscrits.
Cependant ce sont les pures players privés de plus en plus nombreux qui connaissent l’évolution la plus rapide. Educatel, Icademie, Inead, Cours Minerve, Ecole chez soi, … le nombre d’organismes privés fleurit depuis quelques années et permet un choix de formation de plus en plus vaste.

Point sur la formation continue
Avec un chiffre d’affaires en croissance (144 millions d’euros en 2010), le marché de la formation continue est très concurrentiel avec des groupes tels que Demos et Cegos. Les résultats des analyses concernant ce secteur sont éloquents : 93% des personnes sont satisfaites de leur formation. Proposée sur des supports variés (blended-learning, serious game, viso-learning) la formation continue motive les salariés qui souhaitent s’épanouir professionnellement, améliorer leur efficacité, augmenter leur salaire ou encore avoir une promotion grâce à la formation continue.
Si l’e-learning français représente encore un marché faible, il est en pleine croissance et à l’instar du marché aux Etats-Unis, où le marché du e-learning représente 60% des dépenses de formation, il devrait s’imposer comme un acteur majeur de la formation dans les prochaines années.


Liens utiles :


Source : éducavox.

25 novembre 2012

Education : Le retour de l'aide individualisée




Elle est passée par ici, elle repassera par là. Elle est sortie par la porte, elle revient par une vitre brisée de la fenêtre abîmée. 

L’aide individualisée est revenue. Unanimement condamnée par les enseignants fatigués, par les pédagogues agacés, par l’académie de médecine étonnée, par les juges de la cour des comptes mobilisés, par le bon sens éprouvé, l’aide individualisée conçue à seule fin de faire des économies et de donner bonne conscience aux destructeurs de l’école, se déguise sous Halloween et revient en force.

La 25e heure vient à point nommé donner raison à ceux dont tout le monde pensait qu’ils avaient tort. C’est un véritable tour de force comme en sont coutumiers les hérauts du conservatisme qui parviennent toujours à ressortir les vieilles certitudes sous des nouveaux oripeaux et à les imposer pour ne rien changer.

L’idée reste immuable : il faut travailler hors temps scolaire normal pour réussir. Foin de la fatigue, foin de l’incompréhension, foin de la stigmatisation, foin de la mise en cause éventuelle des pratiques ! Sans le travail à l’école hors temps normal, à la maison, au centre social, ailleurs, point de salut. L’école serait incapable de garantir la réussite des apprentissages scolaires sans que des répétiteurs s’en mêlent. Le hors temps scolaire est devenu plus important que le temps scolaire. On le sait bien : un élève ne peut pas réussir s’il ne fait pas d’heures supplémentaires. S’il ne réussit pas, c’est de sa faute, de la faute de ses parents qui ne font pas leur travail comme chacun sait, c’est de la faute des autres, mais les pratiques pédagogiques dans le temps scolaire normal ne sauraient être mises en cause.

L’exercice d’application est plus important que l’activité de construction des notions et des compétences. Même l’exercice d’application de notions incomprises est plus important que leur construction dans des situations porteuses de sens. On sait bien que le musicien ne réussit pas sans faire de gammes et le sportif échoue s’il ne s’entraîne pas. Il faut donc que le cerveau fasse des gammes et s’entraîne. Le risque de fabriquer des robots et des exécutants n’existe pas. Il faut des bases et de la mécanique avant de permettre à l’intelligence de chercher des chemins, plus tard, trop tard pour beaucoup.
Les devoirs faits en classe restent des devoirs. Ils justifieront le besoin de devoirs supplémentaires après l’école…

La refondation ne semble pas vouloir mettre l’intelligence au premier plan. Les programmes maintenus avec un vague espoir de changement pour plus tard ne lui laissent pas de place. En renvoyant dos à dos républicains et pédagogues pour surfer sur le conservatisme et satisfaire à l’électoralisme, on confirme le déni, bien installé, de la pédagogie.

Il est évident que si l’on maintient les programmes, les évaluations, la scolarisation du hors temps scolaire, les pratiques et les organisations, il sera difficile de refonder.

Source : EDUCAVOX.

24 novembre 2012

Education : Succès des écoles alternatives




Développer son autonomie et son esprit critique, apprendre à apprendre : c’est le credo des écoles alternatives. En France, 20 000 élèves expérimentent les pédagogies alternatives – Freinet, Montessori ou Steiner – dans une centaine d’établissements. Des méthodes d’apprentissage qui ont fait leur preuves depuis plus d’un siècle, mais peinent à se diffuser dans l’Éducation Nationale. Vincent Peillon saura-t-il s’en inspirer pour son projet de refondation de l’école ? Petit tour d’horizon de ces pédagogies qui pourraient ré-enchanter l’école.


Vern sur Seiche

Dans la classe de Nina, enseignante à l’école Steiner de Vern-sur-Seiche [1], au sud de Rennes, il n’y a pas de notes, ni d’évaluation. « Quand on fait une dictée, on la corrige ensemble. Cela m’est égal de leur mettre une note ensuite, explique l’institutrice. Que vont-ils apprendre de plus ? Ils découvrent en corrigeant ce qu’ils peuvent améliorer. Cela leur donne confiance en eux. » Ici, pas de tension ni de compétition liées aux notes. Pas de pression. Juste le plaisir d’apprendre et de progresser.

L’abandon des systèmes de notation-sanction, une spécialité très française, fait partie des pistes évoquées par le ministre de l’Education, Vincent Peillon, dans son rapport sur la refondation de l’école. « Les notes organisent le bonheur de quelques élèves et le malheur de beaucoup d’autres, et c’est tout », résume, lapidaire, Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) et défenseur convaincu des méthodes d’apprentissage « alternatives ». « Il faut transformer ce qui se passe en classe, en finir avec cette relation frontale entre élèves et enseignants. On veut qu’ils soient attentifs, polis et qu’ils ne bougent surtout pas. Ce n’est pas comme ça qu’ils vont réussir !, poursuit-il. Et si on veut faire fonctionner l’école autrement, ce n’est pas avec des pédagogues traditionnels que l’on va y arriver ».


Classes coopératives

La solution ? Des pédagogies modernes, actives, qui « suscitent le plaisir, l’intérêt, la curiosité ». En France, une centaine d’écoles expérimentent ces pédagogies innovantes. Environ 20 000 élèves y sont inscrits. Inspirés notamment par les pédagogues Steiner, Freinet ou Montessori, les enseignants accordent une place aussi importante aux maths et au français qu’aux activités artistiques, physiques, manuelles et sociales. Tout en utilisant des méthodes d’apprentissage différentes.

« Ces écoles ne mettent pas les savoirs savants au-dessus des autres, explique Marie-Laure Viaud, maître de conférence en Sciences de l’éducation et auteure de plusieurs livres sur l’éducation nouvelle. Toutes accordent une grande confiance aux ressources propres de chaque élève.

Leur credo : on apprend mieux en faisant qu’en écoutant.


Freinet : favoriser « l’auto-apprentissage » de l’enfant

Les techniques pédagogiques de Célestin Freinet, instituteur français du début du 20ème siècle, sont utilisées dans une vingtaine d’écoles publiques en France. Mais environ 10 000 enseignants sont formés à cette pédagogie. « Pour Freinet, ce qui motive un enfant, c’est de construire des projets qui s’adressent au monde extérieur », souligne Marie-Laure Viaud. Écrire un journal, monter une exposition, mettre en scène une pièce de théâtre... Une vraie mise en situation – qui donne plus envie de réussir – est préférée à la situation scolaire : « Si on fait un journal pour l’extérieur, on soigne l’écriture, on soigne la grammaire, on dessine de belles illustrations. En calculant le prix, on fait des maths... »

L’apprentissage de la confiance en soi est aussi un principe fort de cette pédagogie. C’est ce qu’apprécie Marianne, maman de Nello, scolarisé à l’école Freinet de Rennes depuis 4 ans. « Les enseignants valorisent toujours ce qui a été réussi, même si c’est minime, pour reprendre ensuite avec l’élève ce qui peut être amélioré. Il y a un vrai apprentissage de la confiance en soi, un encouragement à comprendre comment on travaille, pourquoi on le fait et comment on s’organise pour réussir. » À l’école Freinet, les enfants travaillent aussi beaucoup sur la coopération. Ils sont dans des classes multi-niveaux, installés par petits groupes, au sein desquels les grands aident les petits. « Les enfants se font réciter mutuellement. L’absence totale d’esprit de compétition est un vrai confort », raconte Marianne.


Montessori : transformer la relation entre enseignant et élève

Maria Montessori, médecin italien, est une contemporaine de Célestin Freinet. Elle est à l’origine d’une autre méthode pédagogique novatrice, selon laquelle chaque enfant apprend à un rythme différent qu’il convient de respecter. « Elle a théorisé la notion de périodes sensibles au cours desquelles l’enfant est mieux à même d’apprendre telle ou telle chose », décrit Germaine Jallot, présidente du Centre de recherche d’études et de liaison des activités montessoriennes (Crelam).

L’adulte est un « accompagnant », qui doit créer un environnement permettant à l’enfant de développer ses potentiels. Et lui laisser le temps de faire les choses lui-même. Maria Montessori a créé du matériel pédagogique pour favoriser cet « auto-apprentissage » de l’enfant : pour empiler, pour compter... « Pour elle, il est primordial de laisser à l’enfant le temps de se construire. Respecter son rythme et ses besoins permet de susciter son intérêt », résume Germaine Jallot. Une trentaine d’écoles françaises appliquent la méthode Montessori.


Steiner : une éducation ouverte sur le monde

Quant aux écoles Steiner, basées sur la pédagogie de ce philosophe autrichien de la fin du 19ème siècle, elles accueillent environ 2000 élèves en France, dans 20 établissements scolaires et jardins d’enfants. « Pour résumer, j’aime dire que l’on s’adresse à la tête mais aussi au cœur et au corps, décrit Nina, enseignante. Quand on étudie la grammaire, on parle du pays des mots où vivent les chevaliers du nom, qui ne sortent jamais sans leurs écuyers déterminants. » Quand arrive le temps des maths, Nina invite ses élèves à former des petits groupes, qui vont et viennent selon qu’ils étudient les soustractions, les additions ou les divisions. « Les enfants ont besoin d’incarner les notions pour mieux les appréhender », explique Nina.

La pédagogie Steiner mise aussi sur l’ouverture sur le monde, avec l’apprentissage de deux langues vivantes dès le cours préparatoire, et des stages dans les secteurs agricole, industriel et social, au collège et lycée. Plus de 250 000 élèves dans le monde fréquentent ces écoles. Les dérives sectaires de certains établissements étaient pointées du doigt par un rapport parlementaire en 1999, mais les écoles Steiner ont finalement été dédouanées de cette accusation.


Des écoles pour privilégiés ?

Ces pédagogies alternatives ne sont pas similaires. « Il y a des différences pédagogiques, bien sûr, mais aussi politiques », remarque Marie-Laure Viaud. « En proposant une autre façon d’apprendre, qui permette aux enfants de développer leur esprit critique et d’agir collectivement, Freinet avait comme idée d’émanciper les classes populaires. » De nombreuses écoles Freinet (toujours publiques) sont encore aujourd’hui implantées dans des quartiers populaires. A la différence des écoles Montessori et Steiner : « Elles ont un statut d’écoles privées : seuls les enfants des classes privilégiées peuvent les fréquenter », précise l’universitaire.

Car le prix est parfois prohibitif. En région parisienne, les parents doivent débourser environ 600 euros par mois et par enfant. En province, les tarifs sont généralement moins élevés. Il faut compter de 85 à 276 euros par mois (en fonction des revenus de la famille) à l’école Montessori de Rennes, et entre 200 et 610 euros par mois pour l’école Steiner de Vern-sur-Seiche. « Mais, au-delà de ces questions de prix, il n’y a pas cette idée d’émancipation politique chez Steiner et Montessori. On est plus sur de l’épanouissement personnel », ajoute Marie-Laure Viaud.


Les devoirs, obstacles au plaisir d’apprendre

Un épanouissement qui peut aussi passer par une absence de « devoirs » à faire à la maison. Plutôt très bien vécue par les enfants et parents des écoles alternatives, cette absence de travail à emmener à la maison, est l’une des propositions amenées par le rapport de Vincent Peillon. « Les devoirs ne servent à rien d’autre qu’à abrutir les mômes et se fâcher avec eux tous les soirs », lâche Jean-Jacques Hazan, de la FCPE. « Ce dont la société a besoin, c’est de gens autonomes, qui savent travailler avec les autres. Or, les devoirs à la maison, c’est chacun dans son coin. Ce n’est pas la bonne méthode. »

Le rapport sur la refondation de l’école ne pose pas la question de ce qu’est un devoir, regrette Catherine Chabrun, rédactrice en chef du Nouvel éducateur, la revue des pédagogues Freinet. « C’est important qu’un enfant puisse travailler sur ses apprentissages avec un peu de recul. Mais ce temps d’autonomie doit être inclus dans le temps scolaire. Et pas assimilé à une aide aux devoirs qui viendrait après l’école. Nous sommes de toute façon pour la suppression de ce terme de devoirs, qui n’inclut pas du tout le plaisir d’apprendre. »

Supprimer les devoirs ne signifie pas ne rien faire avec ses enfants, ou ne plus les aider. Les activités éducatives et intellectuelles que l’on peut assurer à la maison ne manquent pas : « On peut lire un livre ensemble, regarder le cahier d’école pour voir ce qui a été fait. Apprendre à se servir des proportions et des règles de trois en faisant la cuisine. Bref, il n’y a pas que la page 73 du livre de grammaire ou de maths », illustre Jean-Jacques Hazan. On peut aussi discuter de ce qui était bien à l’école pour avoir envie d’y retourner.


Une autre place pour les parents

Les parents doivent aussi trouver leur place dans l’école. Il est très important, pour les enfants, de se savoir encadrés par une communauté éducative qui ne s’arrête pas aux portes de leur établissement scolaire. A l’école Freinet de Rennes, les parents ont une salle réservée, dans laquelle ils peuvent venir à n’importe quel moment de la journée. « Quand Nello était en CP, se souvient Marianne, l’enseignante nous demandait de rester un peu pour lire des histoires aux élèves. Et si on a des compétences en boulangerie, en roller ou tout autre domaine, on est toujours les bienvenus pour venir les partager avec les enfants. »

Autre moment apprécié par la maman de Nello : « L’heure des parents », qui se tient tous les deux mois et au cours de laquelle les enfants choisissent de parler d’un de leurs travaux. « Ils détaillent leur démarche, nous disent là où ils se sont trompés, pourquoi, etc. On est vraiment dans le pourquoi et le comment de l’apprentissage, c’est passionnant. » Nina confie de son côté ne pas compter le temps qu’elle passe avec les parents de ses élèves à échanger sur les journées des enfants.


De bons résultats scolaires

Ces pédagogies réussissent-elles mieux que celles qui dominent l’Éducation nationale ? Quel bilan dresser de la trentaine d’écoles Montessori, des vingt écoles Steiner et Freinet, ou de la demi-douzaine d’écoles « éducation nouvelle » ? « Les travaux existants montrent que dans l’enseignement primaire, la majorité de ces écoles réussissent au moins aussi bien, voire mieux, que les écoles standards en ce qui concerne les acquis scolaires », observe Marie-Laure Viaud. Surtout dans les milieux réputés « difficiles ». Ces écoles parviennent à susciter le plaisir d’apprendre. De la maternelle au lycée, les élèves disent y venir avec plaisir.

Leur réinsertion dans le circuit scolaire « traditionnel » se passe plutôt bien, même s’ils ont besoin d’un temps d’adaptation. « Entre 15 et 45 % des élèves ressentent des difficultés, explique Marie-Laure Viaud. Mais tous les travaux montrent aussi que ces difficultés sont transitoires : au bout de quelques mois, elles sont dépassées. » Une étude de 2006 publiée dans la revue Science a montré que des enfants de classes sociales défavorisées envoyés à l’école Montessori sont mieux préparés que leurs « collègues » en lecture et en maths. A long terme, les élèves des écoles différentes peuvent même s’adapter mieux que les autres à leur nouvel environnement. Et leurs résultats scolaires sont bons. Un an après avoir quitté la classe de Première des écoles Steiner-Waldorf, les élèves ont un taux de succès au Bac de 85% [2].


Très peu d’incivilités

De quoi faire rêver l’école française : entre 2000 et 2009, selon l’OCDE, la proportion d’élèves de 15 ans en échec scolaire est passé de 15 à 20%. Et l’écart de niveau entre le groupe des meilleurs et celui des plus faibles s’est accru. Pire : la France est aujourd’hui l’un des pays où les inégalités sociales pèsent le plus dans la réussite scolaire.

Autre atout de ces écoles alternatives : le climat, plus serein que dans le système classique. « Partout, l’ambiance est très calme : pas de violence, très peu d’incivilités et de dégradations », note Marie-Laure Viaud. « Cela fait un siècle qu’on sait que ça marche mieux. » Ces expériences pédagogiques essaimeront-elles un peu plus à l’avenir dans l’Éducation nationale ? « C’est quand même un gros chantier », prévient Jean-Jacques Hazan. « Il faut transformer les pratiques et les mentalités de centaines de milliers de personnes. » Un bouleversement du quotidien. « Tant qu’on sera, au collège, sur le modèle une heure, un prof, une discipline, on ne pourra pas changer grand chose », avance Catherine Chabrun, du Nouvel éducateur. Pour le moment, les collèges et lycées différents se comptent d’ailleurs sur les doigts des deux mains. « Les syndicats butent là dessus », regrette-t-elle. Contactée par Basta !, la FSU, principal syndicat enseignant, n’a pas répondu. L’enjeu est pourtant de taille : il s’agit, selon Catherine Chabrun, de « ré-enchanter les profs avec une autre manière de faire ».

Source : Nolwenn Weiler pour bastamag.net

Notes
[1] Voir leur blog.
[2] Ce chiffre passe à 91% si on y inclut les élèves ayant passé le bac deux ans après leur sortie de Première.

12 novembre 2012

Education : c'est à l'école de s'adapter à la société




Si l’école a contribué très fortement, ces dernières décennies tout particulièrement, par une politique massive d’instruction publique, à former les citoyens autonomes et responsables que furent nos parents et que nous sommes, ce n’est plus vrai aujourd’hui, semble-t-il. En effet, et sans doute cela a-t-il échappé au ministre, une part importante des savoirs et des connaissances se construisent de nos jours hors de l’école. La société, dans tous ses pans, économiques, culturels, a pris, elle, résolument le virage du numérique. Nos enfants, les élèves de nos écoles, ont pour leur part des pratiques numériques massives. Où en est l’école, dans cette rapide évolution ?

M. le ministre, c’est bien maintenant à la société de changer l’école d’hier en une école numérique, innovante et moderne, pour former les jeunes citoyens numériques de demain.

Un peu plus tard, à l’occasion d’une transition, il nous a été donné d’entendre en vidéo, un remarquable travail de Thierry Foulkes, le point de vue de quelques grands témoins, parmi lesquels le toujours vif et lucide André de Peretti. Mais il est un autre témoin, Edwy Plenel, dont j’ai retenu une sentence :

« Il faut que l’école soit curieuse du monde ».

Ah ! La curiosité ! Un trait de caractère dont bien des maîtres ont regretté et regrettent encore qu’il soit si souvent absent chez certains élèves… Dans le propos de Plenel, cette phrase vient après un plaidoyer pour l’utilisation d’Internet et de ses multiples ressources à l’école. C’est bien donc une curiosité à l’égard d’une société et d’un monde très fortement marqués de l’empreinte du numérique dont Edwy Plenel voulait parler. Une manière pour l’école d’être changée par la société, d’éclairer aussi la réflexion pédagogique de la conscience du paradigme des nouveaux ressorts sociaux de l’information et de la connaissance…

Au-delà de la boutade, j’ai voulu néanmoins exprimer une réalité. Si nous, adultes, comprenons aisément ce que signifie « déconnexion » et, de manière corollaire, « connexion », au point que certains, comme Luc Cédelle, apprécient de pouvoir nettement séparer l’une de l’autre, ce n’est évidemment plus vrai pour les jeunes, comme d’ailleurs pour tous ceux d’entre nous qui sommes résolument engagés dans le numérique.

Quand sommes-nous déconnectés ? Quand nous regardons, dans un fauteuil, une télévision maintenant numérique et connectée ? Quand nous prenons un bain avec la radio numérique en fond sonore ? Quand nous nous promenons en forêt avec le téléphone dans la poche ? Quand nous sommes en montagne avec le GPS pour nous aider à trouver notre chemin ?

Quand les jeunes sont-ils déconnectés ? Jamais… Presque jamais. À peine les a-t-on privés de l’ordinateur familial qu’ils retrouvent, le soir, leur « smartphone » sous la couette. À peine rentrent-ils en classe qu’ils retrouvent, sous le pupitre, si le cours est ennuyeux, tous leurs amis connectés. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Je n’ai pas la réponse, bien entendu, mais voilà qui doit être à coup sûr pris en compte par les familles, qui ont acheté le terminal numérique en question, et par l’école qui doit — devra —, d’une manière ou d’une autre, s’en accommoder.

Luc Cédelle a-t-il raison ? Il fait comme il l’entend, bien sûr, mais est-il vraiment déconnecté quand il prétend l’être ?

Ah ! Une dernière chose aussi : le débat sous-jacent entre des supposés républicains et des non moins supposés pédagos m’a ennuyé au plus haut point. J’ai beaucoup réfléchi avant de de ne pas utiliser un verbe plus fort.

Et si on avançait, maintenant ?



Source : Educavox.

9 novembre 2012

Entreprises Open : Futur et futures gagnantes



Il y a 3 ans nous traduisions un article issu du blog de Google et rédigé par l’un de ses hauts gradés Jonathan Rosenberg : The meaning of open. Il y expliquait pourquoi et comment la célèbre entreprise prônait l’ouverture à tous ses étages.
Le même auteur récidive ici en dépassant la problématique Google pour affirmer non sans un certain optimisme (à l’américaine) que c’est le futur tout entier qui est désormais ouvert et que c’est très bien comme ça.

Remarque 1 : Nous avons choisi de traduire tout du long « open » par « ouverture » ou « ouvert ». L’adéquation n’est pas totalement satisfaisante, mais laisser le terme d’origine en anglais eut été selon nous plus encore source de confusion.

Remarque 2 (troll et hors-sujet ?) : À comparer avec la situation française où l’on semble actuellement beaucoup plus préoccupé de savoir ce que nous prend ou nous donne l’État que de promouvoir ou pratiquer l’ouverture. Sans oublier, évidemment, la fameuse taxe Google qui « sauvera » la presse !


Il y a trois ans, Jonathan Rosenberg, alors vice-président délégué à la gestion de la production, a écrit un mémo (NdT : que nous avions traduit) expliquant pourquoi les entreprises ouvertes seraient les gagnantes du futur. Aujourd’hui, consultant au service du management, il a vu la réalité dépasser ses rêves les plus fous.

Il y a bientôt trois ans, en décembre, j’ai envoyé un courriel à mes chers collègues de Google, pour essayer de donner une définition claire d’un terme galvaudé : Ouvert. Je trouvais gênant qu’entre nos murs, il prenne différents sens selon les personnes, et que trop de Googlers ne comprennent pas l’engagement fondamental de l’entreprise pour ce qui est ouvert. En me référant à la fois aux technologies ouvertes et aux informations ouvertes, j’ai présenté la philosophie sous-jacente à notre volonté de transparence. Rechercher des systèmes ouverts, avais-je argumenté, nous a menés, et continuera de nous mener vers deux résultats souhaitables : Google devient meilleur, et le monde avec lui.

L’argument était convaincant, et plus tard, un billet sur le blog de Google , « The Meaning of Open », permit de clarifier encore plus ce concept parfois difficile à appréhender. Dans les semaines qui ont suivi, j’ai reçu des messages pleins de profondeur de la part d’un public divers et varié : enseignants ou écrivains qui appréciaient ce point de vue de l’intérieur de Google, chefs d’entreprise qui m’expliquaient comment l’ouverture avait influencé leurs affaires, étudiants surpris d’une position qui allait entièrement à l’encontre de la stratégie de fermeture qu’on leur avait enseignée. Trois ans ont passé, et ce qui me saute aux yeux dans ce manifeste c’est que… j’avais tort !

On ne peut pas dire que le développement ouvert n’ait pas fait progresser Google et le reste du monde. Seulement c’est arrivé beaucoup plus vite que je ne l’avais imaginé. C’est au beau milieu d’un des gestes les plus banals du vingt-et-unième siècle que j’en ai pris conscience : je vérifiais mon téléphone, un Droid Razr Maxx. Je fixais la chose, et j’en voyais toute la diversité : deux douzaines d’applications, du New York Times à Flipboard, de Dialer One à OpenTable, de RunKeeper à SlingPlayer, créées par un tas de développeurs différents, sur un téléphone conçu par Motorola. Il m’est apparu que ce que je regardais n’était pas simplement un appareil mobile, mais l’incarnation physique de la façon dont un écosystème ouvert peut se disséminer à travers le monde presque du jour au lendemain.

Sans aucun doute, j’ai toujours senti que cette idée tenait debout – mais je n’avais pas anticipé l’ampleur avec laquelle les règles du jeu entre les secteurs privés et publics allaient être réécrites. C’est la conséquence de trois tendances techniques qui ont évolué à une vitesse étonnante. Premièrement : Internet rend l’information plus libre et omniprésente que ce que j’aurais pu croire ; pratiquement tout ce qui se passait hors ligne est maintenant en ligne. Deuxièmement : ce qui était une vision du potentiel des mobiles est vraiment devenu réalité, puisque les machines sont devenues plus puissantes et plus rapides que prévu, facilitant une portée globale et une connectivité sans précédent. Troisièmement : l’informatique dans le nuage (NdT : Cloud computing) a permis une puissance de calcul infinie à la demande. Et nous sommes loin d’avoir fini. Alors même que j’écris ces lignes, Google Fiber s’apprête à déployer un service à un gigabit à Kansas City, indice que la connectivité est sur le point de franchir une nouvelle limite.

La conjonction de ces progrès techniques a un effet paradoxal : aussi nouveaux soient-ils, ils finissent par ramener les entreprises aux fondamentaux. La gamme et la qualité des produits sont maintenant les facteurs les plus importants pour déterminer le succès d’une entreprise. Historiquement, les entreprises pouvaient profiter d’une pénurie d’information, de connectivité ou de puissance de calcul pour attirer et conserver leurs clients et repousser les concurrents.

De nos jours, les clients peuvent prendre des décisions bien plus éclairées en accédant aux informations des autres consommateurs. En effet, ils renforcent mutuellement leur pouvoir de décision par leurs échanges via des sites comme Yelp et toute une flopée de réseaux sociaux. Une société ne peut plus complètement contrôler l’environnement de ses clients. Au moment où les frontières de la distribution se sont effondrées – pensez aux moyens de transports mondialisés et bon marché, pensez aux étalages infinis des détaillants en ligne – les consommateurs ont de plus en plus de contrôle par eux-mêmes. Avec ce nouveau paradigme, et des marchés toujours plus compétitifs, les sociétés n’ont plus d’autre choix que de se concentrer sur la qualité et les gammes de produits. Si elles ne le font pas, une autre le fera à leur place.

Avec autant de changements en si peu de temps la nécessité de l’ouverture s’est imposée comme une tactique commerciale décisive pour atteindre à la fois l’excellence et la déclinaison des produits. Ouvrir un produit à toute une armée de créatifs est le plus court chemin pour créer de l’innovation et de la diversité, puisque cela permet à chaque contributeur de se focaliser sur ce qu’il fait le mieux et que cela encourage les contributions d’un public le plus large possible.

Chrome et Android, qui ont tous deux décollé depuis que « The Meaning of Open » a été publié, illustrent parfaitement ce principe. Avec chacun d’eux, nous avons maintenu un seul objectif simple dès le début : rendre le produit aussi robuste que possible. Comme nous l’avons appris maintes et maintes fois, il n’y a pas de route plus rapide et plus fiable qu’une route ouverte : davantage de mains travaillant sur un même produit ne peuvent que l’améliorer. L’ouverture permet de prototyper un concept, ou de le tester dans ses toutes premières étapes. Qui plus est, les systèmes ouverts tolèrent mieux les défaillances – et attirent une communauté d’utilisateurs plus fidèles. Ils savent que la motivation première d’un système ouvert est l’excellence ; si la société essaie d’imposer un autre agenda, la communauté de développeurs le repérera immédiatement et se révoltera. En proposant un produit ouvert, la société renonce à la possibilité de faire autre chose que de le rendre meilleur pour l’utilisateur.

Les résultats parlent d’eux-mêmes. Si vous possédiez un smartphone en 2006, il y a des chances pour que « Blackberry » ou « Nokia » ait été inscrit dessus. Il y a encore trois ans, Android représentait à peine 5% du marché. Aujourd’hui nous avons dépassé les 51%, et il y a de fortes chances pour que votre smartphone ait été fabriqué par Samsung, HTC, Motorola ou un autre partenaire d’Android.

Android a même débarqué dans des secteurs que nous n’avions pas anticipés, tels que les téléviseurs, les voitures, les avions, et même les appareils domestiques. (Voyez Ouya, une nouvelle console de jeux vidéo basée sur Android. Sans un Android ouvert, ce genre d’innovation n’existerait pas). Il semble clair à présent que si vous vous investissez dans un système ouvert, vous vous engagez dans une compétition perpétuelle pour garder votre place d’innovateur principal.

La question de l’ouverture n’a pas été moins opérante pour le navigateur Chrome, qui s’est construit par dessus le projet open source Chromium. Aujourd’hui, Chrome est sept fois plus rapide qu’il ne l’était lorsqu’il a été lancé il y a à peine 4 ans, et le nouveau code est disponible pour le monde entier à mesure qu’il se développe. Travailler ainsi au grand jour rend plus difficile le fait d’avoir des agendas cachés ou quoi que ce soit de dissimulé ; faites mal les choses, et une communauté mondiale de développeurs vous repérera instantanément.

Faire de l’ouverture une tactique commerciale peut nécessiter de nouvelles compétences organisationnelles. La vitesse est primordiale, comme l’est la rigueur du processus de décision. Un écosystème ouvert encourage le bouillonnement d’idées. Or trouver de bonnes idées, c’est facile ; ce qui est difficile, c’est de choisir parmi elles. L’ouverture des données peut offrir un avantage concurrentiel important aux entreprises, mais seulement si elles sont correctement positionnées pour pouvoir en profiter. L’autre tactique — qui est notamment utilisée par Apple et nos équipes de recherche — est de garder le système plus fermé, et d’y exercer un contrôle total. Cette approche nécessite son propre jeu de compétences organisationnelles, au-delà de la vitesse d’exécution, puisque l’excellence du produit et son innovation prennent leur source uniquement en interne. Les deux approches peuvent évidemment toutes les deux réussir, mais selon notre expérience, quand il s’agit de construire une plateforme entière, l’ouverture est le chemin le plus sûr vers la réussite.

Heureusement, de plus en plus d’organisations perçoivent ce message. Dans Wikinomics, les auteurs Don Tapscott et Anthony D. Williams racontent l’histoire de Goldcorp, une entreprise de mines d’or de Toronto, qui semblait sur le déclin à la fin des années 90. Face à un marché en baisse, une foule de problèmes internes et ce qui semblait être un filon épuisé, le PDG Rob McEwen fit précisément l’inverse de ce que n’importe quel livre sur le business dirait : il commença par donner le peu que l’entreprise avait encore.

Plus exactement, il publia sur le site de l’entreprise 400 Mo d’informations concernant le site minier de 220 kilomètres carrés de Goldcorp. Plutôt que de conserver jalousement ses derniers lambeaux d’information propriétaire, il offrit un prix de 500,000$ à quiconque parviendrait à utiliser ces données, afin de trouver de l’or contenu dans le sol. Ce fut un énorme succès. Plus de 80% des cibles identifiées par le public donnèrent des quantités significatives d’or. Avec ce petit investissement initial, la société tira du sol l’équivalent plus de 3 milliards de dollars en or.

Évidemment, McEwen était seulement en train de s’accorder avec les principes profonds du mouvement open source. Dans les premiers jours confus de l’internet, une éthique d’universalité et d’égalitarisme s’était propagée. « Les jardins cernés de murs (NdT : Walled gardens), tout plaisants qu’ils soient, ne pourront jamais rivaliser en diversité, en richesse et en innovation avec le marché fou et palpitant du Web de l’autre côté du mur » a écrit Tim Berners-Lee, l’inventeur du World Wide Web. Google a toujours prospéré sur cette diversité, cette richesse et cette innovation. C’est ce qui nous a permis de lancer des créations comme Chrome et Android, et c’est ce qui a permis à une entreprise d’extraction vétuste d’éblouir le monde avec des succès similaires et pour des raisons similaires.

Aussi spectaculaire que soit l’histoire de Goldcorp, c’est seulement la partie émergée de l’iceberg. En effet, ce qui avait commencé comme un concept de geek au sein de communautés scientifiques s’est propagé dans tous les domaines, des affaires à la politique, de la santé à l’éducation et bien au-delà. Chez Google, nous envisageons un certain nombre de possibilités au-delà du secteur technique, où l’ouverture pourrait amener des progrès modestes et immenses à la fois.

L’éducation
De Stanford à la Corée, des universités et des enseignants du monde entier commencent à distribuer gratuitement des contenus éducatifs de très grande qualité sous licence libre. Qui plus est, des personnes vivant dans les endroits les plus reculés ont de plus en plus accès à ces contenus. La bande passante et la connectivité ont fait sauter de nombreuses barrières de la société en matière d’éducation.

Tout au bout d’un long chemin de terre à Bombay, un étudiant muni d’un téléphone peut maintenant suivre les cours du MIT au plus haut niveau. De façon tout aussi intéressante, ce même étudiant peut devenir professeur. Grâce à des organisations véritablement démocratiques, telles que la Khan Academy, une organisation à but non lucratif, qui propose en ligne plus de 3 000 cours en vidéo. Partout dans le monde des personnes peuvent à la fois disposer de et contribuer à une bibliothèque de ressources qui ne cesse de croître, depuis des leçons de physique jusqu’à des manuels de finance. Nous savons déjà à quel point l’éducation publique a transformé la société au cours du vingtième siècle. Les possibilités offertes par une éducation ouverte et en ligne semblent tout aussi illimitées.

Les gouvernements
Prétendre à la transparence gouvernementale est une chose mais des exemples comme celui du Canada avec sa Déclaration officielle de Gouvernement Ouvert, en sont une autre. Ce document reconnaît l’ouverture comme un état actif et non passif : il ne s’agit pas seulement de donner aux citoyens un libre accès aux données chaque fois que possible, mais bien de définir une « culture active de l’engagement » comme finalité de ces mesures.

Tandis que toujours plus de villes, de régions et de gouvernements fédéraux avancent dans cette direction, il y a tout lieu de croire que cela finira par payer financièrement (au moment où les données GPS ont été mises en libre accès public à la fin des années 80, par exemple, on estime que les services commerciaux qui en ont tiré parti ont contribué à hauteur de 67.6 milliards de dollars à la valeur économique des États-Unis). À l’inverse, on pourrait dire que lorsque le régime égyptien a verrouillé Internet en janvier 2011, cela a poussé les citoyens à descendre dans la rue pour avoir plus d’informations, et à venir grossir les foules de la place Tahrir. Il est ici probable que le retour à un système plus fermé ait accéléré la chute du gouvernement.

Le système de santé
PatientsLikeMe est un site de réseautage social de santé construit sur des bases de données ouvertes du Département de la Santé des États-Unis. Il ouvre la voie à d’autres initiatives, comme procurer aux patients des moyens de partager des informations et d’apprendre entre personnes souffrant de symptômes similaires. Les chercheurs pourraient également tirer profit de plus d’ouverture dans l’industrie.

L’ouverture des données sur la santé pourrait permettre à des études épidémiologiques à grande échelle de réaliser des percées importantes tout en mettant en place des garde-fous plus forts que jamais pour assurer au patient le respect de la confidentialité. En mettant à la disposition des chercheurs son registre des malformations congénitales, la Californie a permis aux médecins d’accéder à une mine d’informations relatives à l’impact des facteurs environnementaux sur la santé. Et bien sûr, Google Flu Trends a déjà prouvé sa pertinence pour analyser et prévoir l’arrivée d’un virus particulier, tout simplement en permettant que l’information soit partagée et rassemblée.

La science
Chercheurs, institutions, et agences de financement du monde entier commencent à prendre conscience qu’un meilleur partage et une meilleure collaboration sur les résultats de recherches scientifique peuvent mener à des recherches plus rapides, plus efficaces, de meilleure qualité et d’un meilleur impact général. En tant que commissaire européen, Neelie Kroes faisait récemment remarquer dans un discours sur la science et les politiques du libre en Europe, « les chercheurs, les ingénieurs et les petites entreprises ont besoin d’accéder aux résultats scientifiques rapidement et facilement. Si ce n’est pas possible, c’est mauvais pour les affaires ».

Un meilleur accès aux recherches scientifiques peut stimuler l’innovation dans le secteur privé et aider à résoudre des défis importants auxquels le monde doit faire face (les Google ‘Fusion Tables sont un outil que les scientifiques peuvent utiliser pour partager et collaborer sur des ensembles de donnés disparates). Pendant ce temps, l’ouverture dans le domaine scientifique signifie l’ouverture à de tout nouveaux participants. Après avoir échoué pendant plus d’une décennie à résoudre la structure d’une enzyme protéase provenant d’un virus ressemblant au SIDA, les scientifiques ont proposé le défi à la communauté des joueurs. En utilisant le jeu en ligne Foldit, les joueurs ont pu résoudre ce problème en trois semaines.

Les transports
En libérant les données des transports publics, les gouvernements permettent aux entrepreneurs de créer des applications basées sur ces données, et ainsi d’améliorer l’expérience des citoyens ; ces derniers peuvent également utiliser ces données ouvertes pour signaler des problèmes d’infrastructure. Chez Google, nous avons déjà pu observer comment cela fonctionne. Lorsque nous avons commencé à organiser les informations géographiques mondiales, nous avons constaté que, pour de nombreux endroits, il n’existait tout simplement pas de carte correcte. Nous avons donc créé MapMaker, un outil de cartographie participative qui permet à chacun de créer des annotations sur Google Maps. C’est avec cela qu’un réseau de citoyens cartographes est né, traçant en deux mois plus de 25 000 kilomètres de routes précédemment non cartographiées au Pakistan.

Les tendances technologiques convergentes sont maintenant sur le point de modifier, en fait elles ont déjà commencé à le faire, les domaines historiquement fermés, secrets et dormants. « L’avenir des gouvernements, c’est la transparence, » écrivais-je il y a un an, « L’avenir du commerce, c’est la symétrie de l’information. L’avenir de la culture, c’est la liberté. L’avenir de la science et de la médecine, c’est la collaboration. L’avenir du divertissement, c’est la participation. Chacun de ces avenirs dépend d’un Internet ouvert. »

Je mettrais juste un bémol. Étant donnés les changements radicaux auxquels nous avons assisté ces trois dernières années, le défi s’est déplacé. Nous devons viser plus loin même que l’Internet ouvert. Les institutions dans leur ensemble doivent continuer à adhérer à cette philosophie. Atteindre ces futurs objectifs ne sera pas chose facile. Mais je suis content de pouvoir dire que nous en sommes plus proches que jamais.

Source : éducavox

7 novembre 2012

Enfants : Les intéresser à l'environnement demeure crucial




ÉDUCATION - Pour éveiller un enfant à des problématiques aussi complexes que la question environnementale, il faut savoir passer par des chemins de traverse...

«Les enfants sont très attentifs au message environnemental», assure Sophie Pilon, enseignante en classes de CE1 et CE2. Et pour favoriser cet apprentissage, elle emmenait en septembre dernier l’une de ses classes au festival «César fête la planète», dans le Val d’Oise. Un moment dédié à l’environnement dont deux journées étaient consacrées aux enfants, spectacles et jeux à l’appui. «A l’issue de la journée, j’ai demandé aux élèves ce qu’ils en avaient retenu et c’est la thématique de l’eau qui est ressortie du débat. Les enfants étaient très impliqués car ils se sont identifiés aux personnages des spectacles auxquels ils ont assisté, et ça a été plus facile de retenir leur attention.»

A l’issue de recherches poussées et de délibérations aussi houleuses que passionnées, est ressortie la question suivante: «La surface du globe est majoritairement recouverte d’eau salée. Peut-on vivre avec de l’eau salée?» En s’appuyant sur cette interrogation, émise et voulue par les enfants, l’enseignante a mis au point un protocole expérimental pour tenter d’y apporter une réponse. «Nous avons deux plants de salades dans la classe: un que l’on arrose à l’eau salée, et un autre à l’eau douce. Les enfants se sont passionnés. Le plant de salade à l’eau salée est à l’agonie et l’expérience est en train de porter ses fruits…»

«Faire travailler son imaginaire»

Parler d’environnement à des juniors n’est donc pas un jeu d’enfant. Ou plutôt, si. L’expérience de cette classe en témoigne. Car aborder la chose de manière frontale serait aussi fructueux que d’essayer de faire pousser des courgettes dans une cave. Dans la classe de Sophie Pilon, les enfants étaient au cœur d’un protocole expérimental et ludique et c’est ça qui a fait que la mayonnaise a pris facilement, explique encore la prof.
«L’enfant a besoin de faire travailler son imagination, corrobore Jean Moritz, directeur de la Compagnie Pile Poil (1), une troupe de théâtre spécialisée dans la sensibilisation au développement durable. Les messages abstraits lui passent au dessus de la tête.» Jean Moritz est persuadé que les artistes ont un rôle à jouer dans la sensibilisation des enfants au thématiques environnementales. «Notre rôle est d’éveiller, via des outils décalés comme l’humour, le rêve, la musique, la clownerie. Mais nous ne sommes pas des donneurs de leçons et ça ne peut pas se suffire, il faut un travail pédagogique en aval.»

«On apprend mieux en s'amusant»

L’art et l’imaginaire comme supports pédagogiques et didactiques? Emmanuel Couratin et Vanessa Pancrazi, respectivement auteur et illustratrice de contes (2), en sont convaincus. «Les démarches ludique et pédagogique sont indissociables, estime Emmanuel Couratin. Et puis c’est toujours plus beau de prendre des biais, on apprend mieux en s’amusant. Les enfants n’ont pas envie de recevoir des leçons de morale.»

Rien de très neuf finalement, puisqu’un certain Anatole France en avait déjà fait sa maxime à la fin du XIXe siècle. Mais attention, puisqu’une fois qu’ils seront au fait de la question environnementale, vos enfants ne vous lâcheront plus d’une semelle et traqueront vos moindres faux pas dans les gestes du quotidien.

1 - La Compagnie Pile Poil se produit tous les jours en déambulation dans Calvi, du 27 au 31 octobre.

2 - Emmanuel Couratin et Vanessa Pancrazi dédicacent leur conte «Tino à la poursuite du déchêt vert» ce samedi 27 à 11 heures à Calvi.

Source : Antoine Galindo pour 20minutes.fr

4 novembre 2012

Education : Processus d'apprentissage à revoir




Les bouleversements enregistrés par les nouvelles technologies de l’information et de la communication remettent en cause le processus d’apprentissage. De nombreux experts réfléchissent sur ces changements, sur les nouvelles méthodes à utiliser pour faire face à la diversité des sources d’information. Internet, en particulier, est au centre de cette réflexion et son introduction progressive dans les établissements scolaires change les voies d’appropriation des savoirs. La production éditoriale est abondante sur ces sujets et certains auteurs s’intéressent au processus d’acquisition des connaissances, notamment, Philippe Perrenoud, professeur à l’Université de Genève (Quand l’école prétend préparer à la vie… Développer des compétences ou enseigner d’autres savoirs ?). Son approche des problèmes permet de confronter deux notions essentielles : le savoir ou les compétences.
Nous nous intéresserons au processus de construction des savoirs en nous posant certaines questions. Quels sont les savoirs qu’il faut transmettre pour s’adapter aux évolutions de la société ? Comment les mutations actuelles influencent-elles les méthodes d’apprentissage ? Pour répondre à ces questions, nous ferons d’abord un constat concernant l’acquisition des savoirs puis nous nous intéresserons ensuite aux nouveaux modèles qui répondent aux évolutions de la société, enfin nous nous attacherons à définir la notion de compétences.


Pourquoi transmettre des savoirs ?

Le problème de l’apprentissage et de la transmission des connaissances se pose en fonction des bouleversements technologiques que connaissent nos sociétés. L’enseignement ne répond pas aux besoins des sociétés. « Transmettre des savoirs mais pour quoi faire ? »… Doit-on acquérir un savoir parce que la science constitue un prétexte comme ce fut le cas du latin, pour développer des qualités intellectuelles…. « Quelles connaissances sont donc nécessaires à notre époque ? ». Ce constat analyse les savoirs pour faire face aux changements rapides que nous connaissons. L’informatique, mais aussi internet et les réseaux, sont au centre de cette remise en cause des savoirs et constituent des bouleversements extérieurs à l’institution scolaire qui remettent en question non seulement les processus d’apprentissage des savoirs mais aussi les savoirs eux-mêmes.
Phillippe Perrenoud oppose savoir et compétences et montre que l’enseignement des savoirs est inadapté ou non démocratique. En s’intéressant à la formation des enseignants, il montre que les connaissances transmises aux professeurs constitueront la base des notions à transmettre à leurs futurs élèves. Il écrit même « la maîtrise des savoirs est donc constitutive de l’identité et du système de valeurs des futurs enseignants ». De plus, d’après lui, il est plus facile de transmettre des connaissances ou des savoirs que des compétences.

Savoirs ou compétences ? 

C’est plus facile d’un point de vue didactique et ce sont des savoirs qui sont légitimés par la société. L’analyse se situe dans cette confrontation entre savoirs et compétences. Elle montre que l’enseignement des savoirs ne peut plus répondre aux exigences d’une société démocratique, se basant sur un constat dans notre société contemporaine. La transmission des savoirs n’est plus adaptée, il faut plutôt favoriser un apprentissage des compétences. André Giordan et Gérard de Vecchi montrent, eux aussi, mais pour des raisons différentes que cet enseignement n’est plus adapté à notre société. Ils font aussi le constat négatif de la transmission des connaissances face aux bouleversements technologiques que nous connaissons. De nombreux modèles peuvent-ils répondre aux évolutions de la société ?

De nouveaux modèles à adopter... 

L’institution scolaire doit donc s’adapter aux changements actuels. L’école doit être novatrice. Il faut créer des apprentissages qui permettent de traiter les informations. Il faut aussi donner du sens aux apprentissages et ne plus transmettre un savoir décontextualisé. Le savoir doit être un moyen d’action et non une récitation ou une répétition des connaissances transmises par le professeur. Il faut construire des modèles avec un savoir qui ne doit plus être cloisonné mais multiple, provenant de sources différentes. Il faut trouver une « utilité » au savoir. Leur analyse remet en cause le contenu même des savoirs, sans approfondir les moyens de la transmission. Il faut adapter les savoirs à la société. Le savoir doit être en relation avec le monde qui l’entoure.
Par contre, Philippe Perrenoud, analyse les compétences face aux savoirs et montre que les premières sont plus aptes à enrichir la formation des élèves. En effet, en prenant l’exemple des étudiants à l’université, il montre que ce qui leur manque ce ne sont pas des savoirs mais des compétences. L’enseignement des compétences n’est pas dispensé dans les universités et ceux qui ont des compétences n’en ont pas forcément conscience. Son analyse montre bien que les exigences dans le processus de construction des savoirs doit s’intéresser à la notion de compétences. Ces compétences se substitueraient aux savoirs pour mieux répondre, en particulier, aux exigences de démocratie de notre société.

Les compétences en recherche documentaire

Cette notion de compétence doit être au centre des préoccupations des professeurs documentalistes. C’est moins la transmission d’un savoir qui les préoccupe que les compétences nécessaires à la recherche documentaire. Avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, il faut transmettre des compétences pour maîtriser le flux d’information qui dépasse largement la transmission d’un savoir.

S’adapter...

Ce sont les changements technologiques actuels qui rendent les savoirs dépassés. Il faut adapter les savoirs aux exigences de la société et la construction des savoirs doit se faire sur cette base d’évolution. Mais aussi, ce sont des compétences qui manquent aux élèves ou sont absentes chez certains d’entre eux. Il faut axer le processus d’apprentissage sur la notion de compétences et non sur celle des savoirs. Cela faciliterait les exigences démocratiques du monde actuel. Il serait peut-être aussi intéressant de confronter les expériences dans ces domaines en fonction des différents pays européens.

Source : Educavox

29 octobre 2012

Education : Prépare-t-elle à la démocratie ?





La question est terrible : dans votre magnifique leçon sur l’adjectif qualificatif ou sur l’addition des nombres décimaux, dans vos beaux cours au collège ou au lycée, en quoi avez-vous formé le citoyen de demain ? Si vous estimez l’avoir fait, comment avez-vous fait ? Et si vous ne l’avez pas fait, pourquoi ?

La question est complexe. On peut pourtant l’élargir : en quoi avez-vous contribué à la maîtrise du langage puisque dans chaque cours, on parle, on lit, on écrit ? En quoi avez-vous développé l’intelligence, puisque dans chaque cours – du moins, on peut le croire – on pense, on réfléchit, on raisonne ? En quoi avez-vous formé à la lucidité, à la stratégie, à l’esprit critique, à la démocratie ?

Les réponses à ces questions sont très variées, souvent – il faut bien le dire - très embarrassées, et nous n’avons pas le droit de les juger, car on ne connaît pas le parcours personnel de chaque enseignant, sa formation initiale et continue, ses représentations du métier, les facteurs qui le tirent et qui le poussent à changer ou non au fil de sa carrière, son histoire par rapport à l’école, ses rencontres stimulantes ou régressives. C’est : « pas le temps, pas mon boulot, pas dans les programmes, pas appris à le faire, les contenus disciplinaires académiques d’abord… »

Pourtant tout le monde est d’accord dans les discours officiels, dans les préambules des programmes, dans la présentation des projets d’établissement et des projets éducatifs territoriaux, dans les manifestations publiques autour de l’école, dans les conversations entre collègues.

Tout le monde parle avec conviction de la transmission des valeurs et de l’importance des finalités et personne ne sait comment cela se transmet, s’apprend, éventuellement, comment cela se pratique réellement dans la classe, dans l’établissement, et dans la cité puisque l’école n’est pas la seule responsable de la transmission ou de la perte des valeurs.

Tout le monde le dit, personne ne sait comment, quand, par qui…
La tentation surgit alors de confier les valeurs au professeur d’école, polyvalent et docile, en chargeant sa barque encore un peu plus, à un professeur de valeurs au collège, sans doute un peu bivalent pour le coup, car malgré l’opposition farouche et efficace à la bivalence, on ne peut pas créer des postes spécialisés à court terme. On ajouterait un cours de valeurs, comme il pourrait exister un cours et un programme de morale laïque, à moins que morale et valeurs soient fusionnées.
 
Le fait est que les valeurs et les finalités ont disparu des pratiques au niveau de la classe. Ont-elles d’ailleurs été déjà prises en compte dans l’histoire de l’école ?

Les hussards noirs de la République eux-mêmes, contraints par les programmes, avaient-ils vraiment les finalités en tête ? Au-delà des légendes et du mythe de l’âge d’or de l’école, rien n’est moins sûr. Peut-être de manière implicite sur fond de « Julesferrisme », mais certainement pas de manière pensée et organisée. Par contre, il est incontestable que les finalités sont totalement absentes des préoccupations avec la pression exercée par la société sur l’école depuis les années 1960 pour préparer aux diplômes, indispensables à l’intégration professionnelle et sociale.

Le pilotage par les résultats imposé autoritairement depuis 2007 et le déni systématique de la pédagogie ont achevé la disparition des finalités et des valeurs, avec l’évaluationnite aigue sur les aspects mécaniques de deux disciplines (français et maths) renforçant l’ignorance des objectifs fondamentaux de l’éducation et particulièrement de l’Ecole.

L’état de la société, les difficultés croissantes du vivre ensemble, l’abstention des citoyens dans bien des domaines de la vie civique et sociale, la développement de la délégation de pouvoirs aux experts ou à ceux qui prétendent l’être, le sentiment pour toute une catégorie d’hommes et de femmes de ne pas exister, de n’avoir aucune importance dans le fonctionnement des institutions, imposent une nouvelle réflexion et des mesures urgentes sur les savoirs nécessaires à l’éducation du futur et sur les compétences à construire pour que, au-delà, de la maîtrise très provisoire de savoirs disciplinaires cloisonnés, chaque personne prenne conscience de son existence, de sa part de pouvoir, de ses capacités à exercer ses responsabilités sans les déléguer et les oublier… et sur les pratiques démocratiques dans la vie de nos institutions

Einstein disait que l’imagination est plus importante que le savoir. On pourrait dire dans le même esprit que les finalités sont plus importantes que les programmes si l’on veut garantir la place de « l’honnête homme » du 21ème siècle dans une société démocratique moderne.


La démocratie… Parlons-en… 

Prépare-t-on les enfants et les jeunes à la démocratie quand durant 10 ou 15 ans, on leur impose le cours magistral sur la majeure partie du temps scolaire, quand le dialogue maître/élève est massivement à sens unique pour donner les réponses attendues par le maître aux non-questions qu’il a posées, quand la communication élève/élèves n’est qu’occasionnelle et inexploitée, quand le « je pense que » et le « tu » n’ont pas leur place dans la vie scolaire, quand les pratiques magistrales sont indiscutables même quand elles sont intolérables ou injustes, quand les compétences et les savoirs construits hors de l’école ne sont pas pris en considération par l’école, etc ?

Les élèves ne supportent pas, par exemple, que l’on exige d’eux sous peine de sanction, qu’un devoir soit rendu pour demain, mais que le prof ne le rend que lorsqu’il le peut ou le décide, parfois bien longtemps après que les retardataires aient été punis, que les devoirs du soir inutilement imposés ne soient pas visés, qu’un prof ne dise pas bonjour, ne s’excuse pas de son retard, interrompe sans cesse ou interdise l’expression des élèves. Forme-t-on des citoyens, des acteurs de la démocratie ou des valets obéissants et résignés ?
 
Il est vrai que dans un système où les enseignants sont eux-mêmes infantilisés et oppressés par les injonctions descendant des tuyaux d’orgue de la pyramide, où la réponse à leur souffrance est l’augmentation du nombre de contrôleurs et de pilotes, où l’intelligence collective de la base n’est pas respectée, il est présomptueux d’espérer des pratiques favorables à l’épanouissement et à l’émancipation.

La domination du magister ne choquait personne dans le système « Jules Ferry » maintenu. Elle est devenue un obstacle à la préparation et au développement de la démocratie réellement participative et au vivre ensemble.

Il est étonnant que la refondation n’ait pas abordé ces questions de fond : quelle école pour quelle société, quel « honnête homme » émancipé, libre, responsable, pour la société du futur ? Et surtout, comment, par qui, quand ?

Je persiste à penser, comme Michel Serres, que le numérique bousculera les pratiques traditionnelles si les conservatismes et les corporatismes ne le réduisent pas à un outil uniquement destiné à les enjoliver sans les changer fondamentalement. Il est de nature à mettre l’élève au centre, à sortir du modèle artificiel « une heure, un cours, une discipline, une classe, un magister », à favoriser le recueil démocratique des savoirs et des réflexions des élèves avant la transmission ou plutôt la synthèse et la mise en perspective magistrales.

Encore faudrait-il que la future loi sur la refondation de l’école donne toute leur place aux finalités et à la pédagogie.

Source : Educavox. 

E-Learning et Formation en ligne : mode d'emploi




Apprendre avec de nouveaux outils : E-formation, e-learning, formation en ligne...


Sur le portail national Eduscol, dans l’actualité du numérique, à noter la publication le 15 octobre d’un dossier qui montre différentes caractéristiques de la formation en ligne, en présentiel et à distance, en s’appuyant sur les points de vue de chercheurs et de praticiens.

Il précise ce qu’il faut entendre par e-formation et e-learning et se réfère à plusieurs notions connexes (virtuel, numérique, distance, temps, mobilité, modularité, tutorat, travail collaboratif...).
Il présente également les principaux acteurs institutionnels en France et à l’international, en rappelant leurs missions et les ressources offertes sur leurs sites. Une bibliographie propose une sélection de rapports, d’ouvrages et de revues.


Les différentes rubriques :
1. e-formation / e-learning
2. Notion de virtuel / numérique
3. Notions de distance et de mobilité
4. Notion de temps
5. Notion de modularité
6. Notions d’accompagnement et de collaboratif
7. Quelques acteurs
8. Formation tout au long de la vie
Bibliographie



Source : Educavox

26 octobre 2012

Education : Le redoublement, cette inutilité débile et stérile




Même si le rapport du Comité de pilotage sur la refondation de l’école n’est pas parfait, il a au moins le mérite de dire nettement certaines vérités, formulées dans le désert depuis bien longtemps, et qu’il est bien agréable de voir enfin écrites noir sur blanc dans un rapport officiel.

Parmi celles-ci, l’affirmation qu’il serait souhaitable de "remplacer progressivement le redoublement coûteux et inefficace par d’autres modes de remédiation".
Si l’on peut se réjouir de voir avoué un tel vœu, il n’en reste pas moins qu’il est avoué à mi-voix et de façon bien timide.

Il est des aberrations tenaces. Notamment celle qui prétend que si l’on n’a pas réussi, il suffirait de recommencer pour que les choses s’arrangent.

Pourtant on voit mal en quoi une seconde version de ce qui n’a pas bien fonctionné une première fois serait plus efficace. La logique la plus élémentaire n’oublie pas d’ajouter au moins un adverbe : recommencer, peut-être, mais AUTREMENT !

Si l’on analyse le redoublement scolaire, on découvre vite que l’adverbe y est parfaitement absent. Même la proposition, pourtant simplette, de faire redoubler au moins dans une classe parallèle pour que ça change un peu, vient rarement à l’esprit de ceux qui le décident. En fait, l’enfant repart pour un tour, rigoureusement le même. Et qui plus est, sans pouvoir bénéficier du seul avantage que lui apporterait ce second tour, celui d’être déjà au courant et de pouvoir enfin briller un peu en sachant répondre aux questions.
En général, en effet, après avoir posé ses questions, l’enseignant se hâte d’ajouter en direction des "redoublants" : "Vous, vous vous taisez ! Vous laissez parler les autres !".
On pourrait appeler cela appliquer la "double peine".

De fait, hormis les cas, où, essentiellement dans les grandes classes, c’est l’élève lui-même qui le souhaite, le redoublement, notamment à l’école primaire, est presque toujours une sanction et souvent traité comme telle par l’enseignant qui retrouve l’élève malchanceux. Force est d’admettre alors que l’effet Pygmalion fonctionne à plein régime : l’étiquette de "mauvais élève" lui colle définitivement sur le front et la seule chance pour lui d’exister en tant que personne est d’y construire son identité et de s’en faire une fierté. Difficile alors, pour ne pas dire impossible, de le sortir de ce cercle qu’on a si bien su rendre vicieux, comme dirait Ionesco.

On a ainsi fait disparaître toute chance de remédiation, ce que confirment les statistiques qui révèlent qu’un élève qui a subi un redoublement — surtout celui du CP — redouble généralement d’autres années ensuite.



Doit-on ajouter les erreurs des présupposés théoriques qui sous-tendent cette pratique ? Elles sont en effet bien connues et dénoncées depuis fort longtemps :

1- faire redoubler l’année présuppose que l’apprentissage serait un stockage linéaire, avançant marche par marche, si bien qu’une marche mal abordée empêcherait d’accéder aux suivantes. Depuis des décennies, il est démontré que l’apprentissage ne s’effectue nullement ainsi, que c’est souvent la suite qui permet de comprendre ce qui a précédé, et qu’apprendre ne consiste pas à empiler des savoirs les uns sur les autres, mais bien de mettre en relation des éléments différents, à la fois de façon horizontale et verticale. La démarche d’apprentissage est spiralaire et non linéaire.

2- faire redoubler l’année présuppose une conception des apprentissages à la fois mécanique et d’une logique purement externe : si des savoirs manquent, il faut reprendre pour combler ces manques. C’est oublier que l’élève est une personne qui a des savoirs et qu’apprendre n’est en rien combler les manques qui apparaîtraient dans ses savoirs : apprendre, c’est transformer, réajuster, reconstruire ses propres savoirs. Il ne peut donc s’agir d’en rajouter une couche pour que la réussite arrive.

3- faire redoubler l’année présuppose que l’échec est dû essentiellement à l’élève, qui n’aurait pas bien écouté, et pas suffisamment travaillé à mémoriser ce qu’il a écouté. Comme on sait, l’élève, pour apprendre, n’a ni à écouter, ni à mémoriser : il a à comprendre et à s’ajouter ce qu’il a compris. Mais comme dans la majorité des cas, ce n’est pas du tout ce qu’on lui a proposé et qu’il n’a eu qu’à écouter et à mémoriser des choses où il ne retrouvait rien de ce qu’il savait auparavant, il n’a pu en tirer parti. Recommencer de la même manière ne peut qu’aggraver les choses. L’échec ne peut donc être le fait de l’élève, mais celui de l’inadaptation du travail d’enseignement, qui, précisément, n’a pas pris en compte les savoirs-déjà-là de l’élève, et n’a pas proposé de situations permettant de construire le savoir nouveau.

4- faire redoubler l’année présuppose enfin que le prétendu "niveau" de l’élève est plus important que son âge. C’est ainsi que, de redoublements en redoublements un élève peut avoir deux, voire trois ans de plus que les autres élèves de la classe. A l’âge de l’école primaire, cette différence est catastrophique, d’autant plus que le redoublement isole l’élève de ses copains.

Il est accablant d’humiliation pour un enfant de onze ans d’être avec des camarades de huit ans, surtout avec un statut d’infériorité. Et rien de positif ne peut sortir de cette honte, si ce n’est le fait d’utiliser cette supériorité d’âge pour faire le "mariole" voire bien pire...

Quand on a décidé de regrouper les enfants par classe d’âge — on pourrait parfaitement faire autrement, mais comme ce n’est pas près d’arriver, essayons au moins de rendre ce type de groupement aussi cohérent et positif que possible — il faut s’y tenir et les laisser avec ceux de leur âge : la notion de "niveau" n’a aucun sens. Si la solidarité est installée dans la classe, et si le travail d’équipe solidaire est quotidien, le prétendu retard du redoublant présumé sera vite oublié.

Du reste, et contrairement à ce qu’une logique au ras des pâquerettes laisse supposer, l’ordre d’acquisition des savoirs n’a rien d’impératif : c’est une invention de l’école que rien ne justifie. A partir du moment où la confiance en soi a été installée et maintenue, tout élève peut entrer dans le savoir par n’importe quelle porte : les prétendue "bases" se déduisent d’elles-mêmes et peuvent toujours être rattrapées par la suite.
Lorsque nous avons décidé, dans les années 80 de supprimer le redoublement du CP, nous avons maintes fois constaté la véracité de ce fait.
Certes cela implique que l’on aide les collègues à quitter leurs habitudes frontales pour apprendre à utiliser les pairs dans l’aide aux difficultés qui apparaissent, et pratiquer le travail de groupe.

Une fois de plus, on se rend compte que c’est l’enseignant qu’il faut aider et soutenir, pas l’élève ! Et nous voilà de nouveau face aux problèmes de formation...
C’est aussi pour cela qu’il faut abolir le redoublement : sa disparition va créer des besoins de formation, qui n’apparaîtront peut-être pas sans cela.

Il est des abolitions qu’on n’effectue pas progressivement : celle-là en est une. Elle n’est pas la seule.

Source : Educavox.

Education-Refondation : Comment parvenir à la nécessaire mutation ?




Nous vivons une mutation de civilisation et l’école doit se reconfigurer pour le 21 ème siècle.

De là cette situation où la refondation prometteuse se heurte à un faisceau de résistances massives à tel point que le ministre doit amortir les implications d’une finalité dite avec prudence. Cette prudence elle permet le déni de ceux qui ne veulent pas lire ce qui est écrit, faire comme si cela n’existait pas pour éviter le conflit latent radical. L’amortissement favorise la focalisation sur des questions accessoires même importantes pour éviter le dévoilement des implications de ce qui est écrit. On peut faire comme si l’accessoire était l’essentiel et l’essentiel accessoire, très secondaire. Détournement du sujet, détournement de l’objet de la refondation.

Il reste que le ministre veut établir des dispositifs qu’il met hors de contrôle de l’Education Nationale. Instance des programmes auprès du premier ministre, Instance d’évaluation de l’école indépendante, Ecole de formation du professorat et de l’éducation (et sa panoplie de métiers futurs), Ecole des hautes études de l’éducation nationale pour éclairer les français, Rôle des régions et des acteurs des communautés locales... Pour qui sait lire des moyens stratégiques se mettent en place pour que la nation et ses responsables puissent reprendre en main une institution repliée sur ses propres fins. C’est une institution monstrueuse dont les membres sont dans l’ensemble aveugles sur les enjeux et les conditionnements auxquels ils se sont voués corps et âmes pour beaucoup.

Un analyseur est la mutation de civilisation qui ébranle les édifices d’un monde en fin d’histoire. Parmi tous les pays impactés, la France est particulièrement désignée pour vivre la plus grande difficulté de par ses rigidités historiques et l’école en est le symptôme.


 

La mutation un exercice de prospective humaine. 

Le passage d(une civilisation centrée sur les représentations mentales et le magistère de la raison à une civilisation du Sens centrée sur l’homme en tant que personne en voie d’autonomisation, vivant au sein de communautés engagées dans le Sens du bien commun et de mondes virtuels qui augmentent la réalité commune par le jeu des relations de proximité à distance. Internet en est le laboratoire.

Trois renversements de logiques sont en jeu. 

Passage d’une logique de conformation associée à l’universalisme rationaliste (19ème siècle) à une logique d’autonomisation responsable des hommes et leurs communautés. Le premier blocage par exemple entre la posture disciplinaire centrée sur le savoir formel et la problématique pédagogique centrée sur la personne. Les experts en conformation vivent cela comme un effondrement intolérable de leur valeur et de leurs compétences. Ils ne le tolèreront pas ou s’effondreront moralement si on n’entreprend pas une analyse des fondements épistémologiques.

Passage dune logique du réalisme fataliste du matérialisme à une logique du virtuel et du développement des virtualités humaines dans l’édification de l’homme et des mondes humains. « Les choses sont ce qu’elles sont fatalement » à « tout est projet, engagement et développement des qualités humaines ». Le combat contre l’adversité et la nécessité se trouve disqualifié par les enjeux de développement humain, une pédagogie de l’humanité où vivre c’est devenir et non survivre. Les anciens combattants ne lâcheront pas prise, défendront la forteresse assiégée, prêts à un fort Chabrol s’il le faut. L’action humaine change de logique passant du rapport de force à la culture des richesses humaines.

Passage d’une logique individualiste à une logique de participation communautaire. L’émancipation de l’individu, l’apologie des droits individuels (sans les devoirs), le relâchement des contraintes morales et économiques ont favoriser l’idéal d’une souveraineté individuelle d’un libre arbitraire d’autant plus désirable et revendiqué que l’école en est le contre point. L’école de l’égalité est resté celle des mérites individuels soutenus par les conditionnements socio-culturels pour la sélection des élites. L’implication du tissu relationnel dans les activités et les situations communautaires à la place de la détermination administrative de l’Etat central met les personnels de l’Education Nationale dans une double contrainte. Sortir de la dépendance formelle de l’Etat pour entrer dans une dépendance responsable dans la communauté locale. L’individualisme nourri d’abstraction se trouve confronté à la responsabilité personnelle en communautés là ou toute profession se détermine. Crise des valeurs radicale.

Nous avons là trois sources d’une crise majeure dont la violence des symptômes peut être à la mesure des remises en question historiques. Pourquoi tant de tensions ? Parce que les positions traditionnelles font commerce avec le sacré. En effet l’école républicaine s’est définie en confrontation avec la religion catholique et son projet a été de remplacer cette religion par une religion républicaine. Le livre de Vincent Peillon : « Une religion pour la République » est très éclairant là-dessus. Seulement il y a plusieurs conceptions de la « religion républicaine ». Il y a celle du père du concept de la laïcité Ferdinand Buisson et son libéralisme spirituel et il y a celles qu’il dénonce comme dogmatismes de remplacement du dogmatisme catholique et sont nommés : le rationalisme, le matérialisme, le positivisme, le jacobinisme, le scientisme... Voilà le problème, un problème de guerre de religion à l’intérieur même du modèle républicain et au lieu même de ce qui en fait le coeur : l’école.

BRAVO !

La solution c’est la mutation de civilisation du monde actuel et un des moyens en est son laboratoire : internet. Mais c’est un autre chapitre.


source : EDUCAVOX.