20 octobre 2012

Education-Refondation : A quand l'entrée dans le XXIe siècle ?




Dans le rapport de la concertation remis au ministre le 9 octobre, le premier chapitre « Pourquoi refonder l’école ? » comprend un paragraphe remarquable, sous le titre « Une école qui peine à entrer dans le 21ème siècle », qui justifie à lui seul l’exigence d’une refondation.
 
On y retrouve des constats et des pistes souvent évoquées sur Educavox. On peut lire pages 19 et suivantes des phrases fortes qui devraient bousculer sérieusement nos schémas et nos certitudes. En voici quelques bribes :
La refondation doit aussi penser l’Ecole dans une vision prospective. La situation sociale, économique, technologique de notre pays évolue et va évoluer plus rapidement encore dans les décennies à venir. L’Ecole doit donc se transformer en lien avec ces mutations actuelles et aussi futures ;

Depuis deux décennies, ce sont d’abord l’enfant, l’adolescent, le jeune et leur contexte de vie qui ont fortement changé, dessinant de nouvelles opportunités…
Plus généralement, on observe des changements majeurs dans la culture juvénile que l’Ecole peine à analyser. Au respect des normes édictées par les adultes se substitue un modèle de transmission moins vertical…
On voit bien pourtant tout le profit que l’institution scolaire pourrait tire à s’appuyer sur les nouvelles pratiques des jeunes notamment en termes de capacités de communication entre pairs, de fabrication de solidarités horizontales et donc de collaboration, de maîtrise des nouvelles technologies.
La concertation appelle l’ensemble des acteurs à une réflexion profonde pour mettre l’Ecole en accord, en harmonie, avec les mutations de fond qui touchent notre société.

Le troisième chapitre « Vers l’école du futur » consacre une page et demie, pas plus, au « numérique, une priorité pour la réussite ». On y relève aussi des phrases fortes et justes :
Parce que notre monde vit une mutation de nature à ce qui s’est passé avec l’imprimerie, parce que toute la société, les sciences ; la vie quotidienne et économiques ont aujourd’hui conditionnées par ces bouleversements, l’Ecole doit aujourd’hui pleinement entrer dans l’ère du numérique...

Tous les domaines de l’éducation sont concernés… 
Tout ceci est de nature à rassurer les progressistes qui pensent que, comme l’avait fait Freinet avec l’imprimerie à l’école, les pédagogues d’aujourd’hui n’ont pas le droit d’ignorer la mutation profonde en marche et de prendre le risque d’une explosion ou de la disparition de l’école. Mais ils n’ont pas le droit non plus de ne l’utiliser que pour l’administration, la gestion, la communication externe ou de se limiter à l’utiliser pour moderniser les apparences sans changer le fond.

Or les propositions qui suivent les constats et analyses sont à l’évidence d’une grande faiblesse par rapport aux enjeux :

Apprendre le numérique avec une loi et un plan « numérique au primaire »

Former au numérique avec des propositions pour la formation des enseignants

Encourager l’autonomie et la créativité des enseignants dans la production de ressources

Mettre en place une politique de recherche

Démocratiser le numérique avec une carte d’aménagement territorial numérique

On cherche en vain la cohérence des premières propositions avec l’exigence d’une vision saine du présent et d’une vision prospective ambitieuse. On sent bien que les auteurs du rapport dans ce domaine se sont retenus pour être en harmonie avec les autres groupes, pour ne pas effaroucher les conservateurs, pour ne pas paraître trop audacieux. 

On cherche en vain la réflexion sur la mise en cause des modèles pédagogiques persistants, par exemple le modèle de la transmission magistrale avec exercices d’application, exercices de contrôle (à ne pas confondre avec l’évaluation), exercices de remédiation (essentiellement de nouveaux exercices d’application avec de nouvelles explications magistrales), re-contrôle, révisions, etc… C’est le modèle pédagogique dominant que certains continuent, envers et contre tout, de considérer comme étant éternel, universel, incontestable.. même quand la majorité des élèves le rejette, qui reste en filigrane dans les propositions.

On cherche en vain la prise en compte des savoirs, des compétences, des représentations initiales des élèves, alors qu’à l’évidence, ils savent utiliser les machines et communiquer sans avoir appris à l’école, ils ont accès à des quantités de savoirs hors l’école qui permettent des gags de plus en plus fréquents d’élèves qui contestent les affirmations des professeurs en se référant à ce qu’ils ont pu voir sur Internet.
 
Osera-t-on dire que c’est la notion même de cours qui va voler en éclats (une heure, une discipline, une classe, un prof), que le professeur posera un problème, ouvrira un dossier, demandera aux élèves de rechercher, de réfléchir, de formuler des hypothèses à partir de ses représentations et de ses savoirs, puis travaillera sur ces apports, en construisant des outils mentaux, en permettant la pensée divergente, en favorisant la construction des savoirs par une démarche active personnelle ?
 
Osera-t-on dire que la notion de classe et celle de discipline scolaire antique voleront aussi en éclats au profit de travail en groupes, de transversalité, de globalité, de priorité à l’intelligence plutôt qu’à la sédimentation provisoire de savoirs impossible à réinvestir, de changement des missions des profs ?

Osera-t-on dire que cette école du futur sera nécessairement ouverte à d’autres publics, que les échanges réciproques de savoirs et les activités intergénérationnelles dans des établissements transformés en maisons des savoirs et de l’éducation tout au long de la vie, comme le propose la Ligue de l’Enseignement, contribueront aussi à la réussite scolaire ?

Et si l’on n’ose pas, pourra-t-on vraiment parler de refondation ?

Source : Educavox.

19 octobre 2012

Education-Refondation : Le poisson se noie et meurt



Dans les écoles, rien n’a changé ou presque à la rentrée. 

Les mêmes notes de service de rentrée de 15 à 20 pages avec des tonnes de questionnaires, d’injonctions, de rappels aux règlements, les mêmes exigences pour la mise en place de l’aide individualisée, les mêmes annonces pour les évaluations, le même pilotage par les résultats apparents, les mêmes tendances autoritaristes et infantilisantes, les mêmes freins à l’innovation et à la liberté pédagogique, la même empreinte que celle des cinq années douloureuses pour l’école qui viennent de s’écouler. Exactement comme s’il n’y avait pas eu d’alternance, pas eu d’annonce de refondation. Certains hiérarques ont même fait preuve d’un zèle encore plus vif pour des évaluations dès la section de petits et pour de l’aide à des élèves qui n’en ont pas besoin afin de bien remplir les cases… Il est vrai que pour une bonne partie de l’encadrement très encadré, la refondation a commencé en 2007 avec le pilotage par les résultats, le développement de la compétition, le règne de l’apparence, le libéralisme autoritaire avancé, et qu’il suffit de continuer[1].

Rappelons qu’une grande majorité des enseignants des écoles et des collèges n’ont pas entendu parler de la refondation dans le cadre professionnel, que les partenaires de l’école n’ont pas été associés aux réflexions, que les concertations décentralisées ont été, pratiquement partout, bâclées et expédiées en une journée parfaitement encadrée pour proposer des améliorations à l’existant sans refonder le système.

Quand on connaît la souffrance du terrain – et je viens de le constater encore à La Roche-sur-Foron[2], et je continue de recevoir des témoignages de partout et de mon académie sur ces tristes réalités[3] -, le ballet des chefs au pied de l’estrade ce mardi matin, dans le prestigieux grand amphithéâtre de la Sorbonne, ne peut que faire sourire. Les congratulations entre ceux qui pensent vraiment à une véritable refondation, ceux qui ont précipitamment retourné leur veste, ceux qui n’ont retourné qu’une manche de la veste mais qui visent un poste, ceux qui considèrent que l’on peut passer du libéralisme déshumanisant à la démocratie humaniste en quelques heures en affichant la même conviction sans pour autant admettre les dégâts commis, sont un spectacle qui pourrait inspirer les humoristes. J’imagine les dialogues, mon cher et ma chère !

Le rapport de la concertation a donc été remis au Président de la République qui a eu droit à des applaudissements nourris, prolongés, unanimes et, à l’évidence, parfaitement sincères. On peut donc considérer qu’elle est en marche…

Il est vrai que le discours présidentiel a été, à mon avis, très bon. Qu’il s’est élevé, qu’il a bien défini les enjeux, qu’il a mis en perspective, qu’il n’a quasiment rien oublié, qu’il a évoqué à peu près tous les problèmes que les pédagogues signalaient depuis fort longtemps. Il a, il est vrai, été court sur le lycée et sur ce monument historique, le baccalauréat. Mais il lui était difficile de développer tant les corporatismes, historiques eux aussi, peuvent être violents à ce niveau. Il a annoncé quelques décisions fortes sur le temps scolaire, sur les maîtres supplémentaires à l’école élémentaire, sur la formation des enseignants, sur les recrutements, sur l’importance de l’école maternelle, sur les devoirs…

Mais tout reste à faire…
Et de plus, si certaines mesures sont déjà prises et annoncées, si la loi est prévue avant la fin de l’année, d’autres mesures sont programmées pour plus tard, laissant les politiques antérieures maintenues comme si elles étaient pérennisées et cautionnées. Cette situation particulière est catastrophique. Dans un contexte de démobilisation et de scepticisme, voire de colère, des acteurs eux-mêmes, de persistance durable des pratiques destructrices, il ne sera pas facile de refonder vraiment.

Espérons que l’attente des grands changements permettra d’approfondir quelques réflexions effleurées, de corriger les propositions les plus faibles, de réduire des contradictions et des paradoxes nuisibles, de réparer des erreurs dommageables.

Prenons quelques exemples significatifs :
Le socle… Impossible de parler du socle sans faire le point dans le même temps, sur les valeurs, sur les finalités et sur les programmes qui resteraient apparemment les programmes disciplinaires que nous connaissons, cloisonnés, segmentés, avec leurs progressions, du faux simple au vrai complexe, avec leurs répétitions d’un niveau à une autre sans réelle continuité. Aujourd’hui, le socle n’a pas de sens. Si on ne le réfère pas à des finalités, il n’est qu’une écriture supplémentaire des programmes. D’abord, les finalités… Soyons exigeants sur les finalités qui sont toujours oubliées dans le feu de l’action disciplinaire à laquelle le président et le premier ministre semblent viscéralement attachés

L’articulation école / collège. Problème dramatique. On se contente de renouveler les incantations bien connues. On ne touche surtout pas aux structures. On sait pourtant que, hors quelques cas exemplaires, on sait que les recommandations réitérées ont échoué et qu’il faut plus d’audace pour avancer vers l’école fondamentale qui est la seule solution crédible et neuve.

Le temps scolaire. Déconnecter la question du temps scolaire de celle de l’ennui grandissant dans les écoles et surtout dans les collèges, et donc de celle des programmes disciplinaires qui ne sont plus en phase avec le monde d’aujourd’hui est une grave erreur. Continuer à ne pas prendre en compte les savoirs extérieurs à l’école, à s’accrocher au principe périmé : « une heure/une discipline/un prof/une classe » en est une autre. Le temps scolaire n’est pas qu’un problème d’organisation, c’est un problème de refondation, beaucoup plus global que ce que les médias en laissent paraître.

L’ouverture de l’école et la place des parents… Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la répétition des incantations du passé est condamnée à l’échec. On ne réglera la question que lorsque l’on cessera de considérer les parents d’élèves que comme des « parents d'élèves », et non des citoyens, des maçons, des artistes, des pêcheurs, des éleveurs qui ont des savoirs, qu’ils peuvent les partager, les échanger dans des établissements scolaires transformés en maisons des savoirs et de l’éducation tout au long de la vie, comme le préconise la Ligue de l’Enseignement

Le numérique ajouté comme une cerise sur le gâteau tout en disant qu’il imposera des changements dans tous les domaines. J’y reviendrai dans la prochaine chronique

La pédagogie de la refondation. La grande oubliée. Comme si, une fois encore, on pensait qu’il suffisait de proclamer et de diriger du haut de la pyramide, à l’évidence fortement maintenue et protégée, pour changer. Pour réussir, il faudra non seulement dire qu’il faut de la confiance et le démontrer, par exemple, en suspendant carrément durant une période d’un ou deux ans, les inspections infantilisantes classiques et en mobilisant les corps d’inspection sur des missions exclusives d’accompagnement, de problématisation, d’expérimentation. Ce serait là une véritable preuve de confiance, au-delà des mots et des maux.

« Il faut réinventer l’école », dit le rapport. Le Président de la République a retracé des pistes. Il reste à s’y engager et à mobiliser réellement tous ceux qui sont déjà, et depuis la rentrée envahis par le doute, le scepticisme et le découragement, ceux-là même sans lesquels aucune refondation n’est possible.

A suivre

[1] Dans le Nord, le DASEN tout fraîchement nommé insiste sur la continuité. Dans la Voix du Nord, le mot continuité fait le titre de sa présentation. On ne parle pas de refondation, sans doute pas d’actualité. On ne parle pas de la loi « puisqu’on ne la connaît pas ». Continuité ! Rien de tel pour garantir la mobilisation des enseignants pour refonder l’école !
[2] Où une inspectrice a considéré que ma rencontre avec une classe twitter qui m’avait invité, était inopportune et a donc été interdite
[3] Je ne généralise pas abusivement, c’est le pilotage technocratique qui a été généralisé abusivement, avec une certaine délectation pour certains pilotes.

Source : EDUCAVOX

18 octobre 2012

Education-refondation : A quand la fin des NOTES ?




"T'as eu combien ?" L''incontournable question posée à tout élève de retour chez lui pourrait bientôt disparaître. Dans son plan de refondation de l'école, François Hollande a en effet conclu à la nécessité de "rénover notre système d'évaluation" qui produit trop souvent de la "démotivation". Un avis partagé par le sociologue Michel Fize, interrogé par Metro : "une mauvaise note est décourageante, frustrante, démotivante", juge-t-il. "Elle crée un système de compétition, de classement, qui n'a absolument pas sa place à l'école primaire, ni même au collège, où il s'agit d'apprendre les bases".

Un premier essai raté

Alors, adieu les notes ? En 1969, le gouvernement l'avait déjà tenté, en les remplaçant par des lettres : A, B, C, D. Un fiasco. Les professeurs ajoutaient en effet à leur sauce des chiffres, des mentions + ou - , conduisant aux mêmes dérives que le précédent système. Pourtant, on l'ignore souvent, mais la notation sur vingt points est bien une spécialité nationale. Partout ailleurs ou presque, on pratique ce système. Chez nos voisins allemands, où les écoliers sont testés de manière régulière, les lettres sont remplacées par des chiffres, de 1 à 6 (1 étant très bon, 6 insuffisant).
Mais pour plusieurs experts, dont Michel Fize, il faudrait plutôt s'inspirer du modèle scandinave, où l'évaluation du travail des élèves se passe carrément de notes, jusqu'en septième ou huitième année (l'équivalent de notre 4e), au profit d'"avis" des professeurs. Ensuite, l'évaluation prend la forme d’un rapport sur les résultats de l’élève. "On met ainsi en avant ce qu'il sait faire, ses compétences et valorise ses efforts et progrès", explique le sociologue. Mais certains parents, très attachés au système de notes à la française, restent à convaincre. En effet, selon un récent sondage Metro, 80% des Français s'opposent à suppression des notes à l'école.

*Sondage Ifop pour Metro, "Les Français et la suppression des notes à l’école", réalisé du 28 au 30 août 2012, sur un échantillon de 1007 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI - Computer Assisted Web Interviewing)

Source : metrofrance.com